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Dans leur fuite rapide, à de jeunes abeilles
Emportant au rucher leur récolte de miel.
Voici le soir, voici la nuit. La lune au ciel
Balance son croissant au-dessus des grands chênes.
On entend résonner sous les voûtes des traînes
Des appels que l’écho répète longuement.
 — Il faut partir, c’est l’heure. — Et tous deux lentement
S’en vont par les sentiers voilés de chèvrefeuilles,
Dont un rayon tremblant fait reluire les feuilles.


VII. — LA MAISON DU GARDE.


La forêt s’assombrit, ses masses de verdure
S’imprègnent de rosée et sommeillent sans voix,
La nuit tombe, on n’entend qu’un faible et lent murmure ;
Là-bas une clarté, dans la feuillée obscure,
Tremble comme une étoile et luit au fond du bois.

C’est là, près de la mare, où parmi l’eau dormante
Croissent de grands roseaux et des touffes d’iris,
À l’abri des bouleaux dont l’ombre frémissante
Tamise les rayons de la lune naissante,
Que la maison du garde élève son toit gris.

La fraîcheur a verdi la muraille ébranlée,
La mousse a revêtu les tuiles tout au long.
Sur l’espalier séché la vigne échevelée
Court au hasard, de lierre et de ronces mêlée,
Et voile la fenêtre au fin treillis de plomb.

L’an passé, le vieux garde est mort. À la nuitée,
Des braconniers tapis dans le creux d’un sentier
L’ont pour toujours couché dans l’herbe ensanglantée.
Au prochain carrefour, une croix est plantée
Sur sa fosse, qu’abrite un large châtaignier.

Triste et pauvre maison, seuil morne !… Un vent d’automne
Soulève et fait voler les cendres du foyer.
Contre la vitre humide une mouche bourdonne ;
Dans un coin, le grillon pousse un cri monotone
Et mêle sa voix grêle au bruit du balancier.

La veuve en habits noirs penche son blanc visage
Sur une sainte Bible au grand feuillet jauni.
Debout contre le mur, sifflant un air sauvage,