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l’intérêt et au vœu populaires. Un dégrèvement de l’impôt du thé eût été bien plus profitable à la masse des consommateurs que l’abolition de l’impôt sur le papier. On pouvait d’ailleurs espérer que le trésor regagnerait par l’accroissement de la consommation une partie de la remise qui serait faite par l’abaissement du droit. Ce système était donc plus favorable à l’intérêt immédiat du trésor. Plusieurs membres dans le parti whig, indisposés par les prétentions de M. Bright, eussent préféré le système des tories au plan de M. Gladstone : celui-ci même, malgré la séduction d’un talent de parole qui grandit sans cesse, choque une section importante du parti ministériel autant par la témérité de sa politique financière que par la versatilité de ses opinions ; mais la question ministérielle était posée. L’opinion a mieux aimé, comme on dit en Angleterre, Palmerston avec l’impôt du papier aboli que Disraeli avec le thé à bon marché. La majorité, mais une majorité de 18 voix sur une chambre de près de 600 membres, s’est prononcée en faveur du ministère. Cette majorité est bien faible assurément ; elle présage, sinon la chute prochaine de lord Palmerston, du moins un déplacement probable du centre de gravité du ministère. Évidemment lord Palmerston doit, pour se maintenir, s’appuyer davantage sur les élémens conservateurs de la chambre. Il est douteux qu’il puisse sans danger faire des concessions nouvelles à M. Bright et à l’école de Manchester. Quelle que soit au surplus la portée de ces incidens au point de vue politique, le public anglais n’en obtient pas moins en ce moment une réduction considérable d’impôts. L’Angleterre, dans la situation tourmentée où est l’Europe, n’en donne pas moins au monde l’exemple d’un gouvernement qui diminue les charges des contribuables. C’est un honneur pour elle et pour son gouvernement. Plût à Dieu que cela piquât l’amour-propre de la France et nous décidât à remettre dans les cartons du ministère cette belle invention d’une taxe sur les allumettes chimiques, que l’on a, dit-on, soumise à l’examen du conseil d’état !

Le conflit qui déchire l’Amérique du Nord prend malheureusement les proportions d’une lutte qui ne peut finir que par la défaite violente de l’une des parties de l’ancienne Union américaine. La démence des états du sud, en forçant le président Lincoln à sortir de sa politique de temporisation, a provoqué de la part des états du nord un élan qui sera irrésistible. Déjà les états libres ont assuré la défense de Washington. La possession de cette ville ne présente point un intérêt stratégique ; mais, voisine des états du sud, touchant à deux états douteux, le Maryland et la Virginie, elle pouvait être l’objet d’un coup de main, et c’eût été pour les états du nord, qui défendent la constitution américaine et s’abritent sous le glorieux drapeau étoilé, une humiliation trop douloureuse de laisser tomber aux mains des états à esclaves la capitale de la république. Des membres considérables du parti démocrate ont abandonné avec éclat la cause du sud et se rallient à la cause de l’union. On peut citer entre autres M. Douglas et l’ancien président, le général Pierce. L’initiative du nord ne s’arrêtera point aux mesures