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de défense prises à Washington ; il faut s’attendre à voir le blocus mis prochainement devant les plus importantes villes maritimes du sud. Peut-être l’énergie du nord étonnera-t-elle les états à esclaves ; peut-être aidera-t-elle, dans plusieurs de ces états, les classes éclairées et modérées à se soustraire à la tyrannie du mob, et à faire prévaloir leur sympathies pour le maintien de l’union.

Dans les relations de l’Autriche et de la Hongrie, les conseils de la modération et de la prudence semblent prévaloir des deux côtés. Sans doute le manifeste de M. Deak ne permet point d’espérer que les Hongrois consentent de longtemps à se confondre dans l’unité constitutionnelle de l’empire ; il y a pourtant, dans la thèse soutenue avec une remarquable puissance d’argumentation par M. Deak, un esprit de véritable conservation qu’un souverain établi sur le principe de la légitimité tel que l’empereur d’Autriche ne pourrait méconnaître sans une inconséquence périlleuse. C’est un principe légitimiste que défend au fond M. Deak, le principe d’une constitution historique contre l’innovation d’une constitution octroyée. Heureux les peuples qui peuvent en effet appuyer leurs droits politiques sur la tradition de leur histoire ! Ce ne sont pas ceux-là, l’exemple de l’Angleterre le prouve depuis deux cents ans, qui sont dangereux pour les souverains. La logique aussi, bien que la prudence, conseille donc à l’empereur d’Autriche de traiter avec les Hongrois sur le terrain où ils se placent avec M. Deak, au lieu de chercher à les en faire sortir par la violence. Que la transformation de l’empire d’Autriche et la renaissance de la Hongrie s’accomplissent pacifiquement ! N’est-ce pas la leçon que semble donner la fin lamentable du comte Téléki ? Le noble patriote, en se donnant la mort, ne semble-t-il pas avoir voulu s’offrir comme la seule victime de la rédemption de sa patrie ?


E. FORCADE.

L'ACADEMIE FRANCAISE ET LE PRIX DECENNAL.

Depuis plus d’un mois, l’Académie est le théâtre d’une lutte qui a vivement ému l’opinion publique, et qui soulève des controverses en sens très divers. D’ordinaire les querelles intérieures de l’Académie ne sortent pas de son enceinte ; mais cette fois la dispute a trouvé de l’écho à l’extérieur. Le monde littéraire a compris dès le premier jour que c’était là un débat dans lequel il était nécessaire de prendre parti, car quelques-uns de ses intérêts et de ses droits les plus chers s’y trouvaient engagés.

L’enjeu décerné est un prix de 20,000 francs que l’Institut est chargé de décerner à l’auteur dont les œuvres honorent le plus l’esprit humain, dans quelque genre que ce soit. Ainsi s’exprime le programme impérial. Pour éviter les malentendus, les controverses, les jugemens, qui pourraient être soumis à cassation, il a été décidé que le prix, qui devait n’être distribué d’abord que tous les cinq ans, tantôt aux sciences, tantôt aux lettres, serait distribué