Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/622

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au nord des plaines fertiles de la Belgique centrale s’étend une vaste lande qui, dépassant les limites mêmes du royaume, se prolonge au loin dans les Pays-Bas. Bornée à l’ouest par les eaux des embouchures multiples de l’Escaut et à l’est par la Meuse, elle comprend à peu près tout le territoire des provinces belges d’Anvers et du Limbourg. Cette région s’appelle la Campine, nom dont l’origine vient du mot kämpen, qui, dans toute l’antique Germanie, désignait les terres vagues et communes où l’on menait paître les troupeaux de la tribu, les marches inhabitées qui servaient de frontière entre des peuplades toujours en guerre quand elles n’étaient pas séparées par un désert. Ici en effet était la marche, le border, qui séparait la confédération des Bataves, des Frisons et des Chauques, fixés aux bords de la Sala et du lac Flevo, du groupe des Nerviens, des Éburons et des Aduatiques, — les hommes de la mer et des côtes des habitans des collines et des bois.

La Campine présente encore de nos jours l’aspect que devait offrir dans les temps reculés la plus grande partie des Flandres. C’est une bruyère à perte de vue au milieu de laquelle s’élèvent de loin en loin de rians villages entourés de champs cultivés qui fournissent aux habitans leurs moyens de subsistance, et qui forment comme autant d’oasis verdoyantes. Dans les espaces très étendus que la charrue n’a pas effleurés, on reconnaît aussitôt la stérilité de la grande plaine de l’Europe du nord, dont les extrémités occidentales pénètrent jusque dans les Flandres. On voit que les élémens de la vie organique existent à peine : aucun arbre ne croît spontanément, pas même le genévrier ou le pin, qui se contentent pourtant des terrains les plus médiocres. Les sucs nourriciers que renferme le sol semblent presque insuffisans pour le développement des plus humbles arbrisseaux : quelques ajoncs, des genêts, des myricées sont les plus grands représentans du règne végétal. Toutes les feuilles ont quelque chose de fin, de léger et de ligneux qui leur donne souvent l’apparence d’aiguilles minces et pointues. Même les graminées ne balancent pas ici comme ailleurs, au souffle de la brise, leurs tiges souples et gracieuses ; celles qu’on trouve se dressent raides et dures. Les plantes les plus sobres et les plus rustiques parviennent seules à vivre dans le sable aride, et encore, pour résister à la sécheresse des étés et à la fureur des vents, se groupent-elles par familles. Les bruyères dominent et caractérisent le paysage, auquel elles prêtent tour à tour une teinte rosée quand le mois de Juillet vient ouvrir leurs corolles où butine l’abeille, et une couleur sombre et noirâtre quand l’automne a séché leurs graines et roussi leurs petites feuilles persistantes. Au premier coup d’œil, on découvre que, dans le sol, la maigre silice est en excès, et qu’il y manque