Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/624

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surtout aux heures du soir, quand le soleil, se couchant derrière un groupe de pins, éclaire vaguement la plaine vide de ses rayons obliques qui empourprent encore les nuages, et que reflètent les eaux de quelque mare déjà ensevelie dans l’ombre.

Les documens nous manquent pour suivre les vicissitudes de l’agriculture campinoise pendant les premiers temps du moyen âge. Après avoir quitté les bords de la Sala, les Francs, comme on sait, occupèrent la Campine jusqu’à la lisière de la grande forêt charbonnière qu’ils devaient traverser pour entrer dans la Gaule, et des observateurs non prévenus ont noté chez les populations de la Campine orientale des nuances dans le caractère, dans les habitudes et dans la constitution physique qui sembleraient marquer encore la trace du passage des Saliens. Quand le christianisme eut mis fin aux luttes incessantes des tribus, la lande presque inhabitée se peupla peu à peu, et dans le XIe et le XIIe siècle de puissantes abbayes établies dans la contrée étendirent de proche en proche les défrichemens autour d’elles. Celles d’Averbode, de Postel, de Tongerloo, les prieurés de Korssendonck, de Troon et d’Achel employèrent sans relâche une partie de leurs revenus à mettre en culture des terres vagues et à planter des forêts, dont plusieurs existent encore. Les religieux faisaient préparer et labourer les terres nouvelles pendant quelques années, et quand ils les avaient portées à un degré suffisant de fertilité, ils y bâtissaient des fermes qu’ils confiaient avec le cheptel à des métayers moyennant des conditions point trop dures et assez fixes. Peu à peu on voit ces métayers devenir fermiers, puis des redevances en argent s’ajouter à celles en nature, et enfin remplacer à peu près complètement celles-ci. À en juger par les proportions des églises qui élèvent encore aujourd’hui leurs nefs gothiques au milieu de plus d’un village dont la population ne suffit plus à les remplir, il semble que la Campine ait atteint, vers la fin du moyen âge, un remarquable degré de prospérité agricole. Au XVIe siècle, pendant les longues luttes de l’émancipation des Provinces-Unies, elle fut le théâtre de combats continuels, toujours disputée et toujours ravagée, tantôt par les troupes hollandaises, tantôt par les bandes espagnoles. Dans les momens de trêve et surtout après la paix conclue, la population revint, mais décimée ; les habitations se relevèrent, mais moins nombreuses ; les champs furent rendus à la culture, mais la bruyère avait repris et a conservé jusqu’à nos jours son empire naturel en bien des lieux jadis fertiles en moissons. Depuis une vingtaine d’années enfin, l’attention du gouvernement et des particuliers s’est fixée sur la Campine ; des routes ont été ouvertes, des voies navigables complétées, étendues, d’autres créées, des eaux d’irrigation mises à la disposition des riverains.