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élevé, par suite de la quantité considérable de valeurs qui ont été créées depuis qu’elles n’existent plus et des nécessités de travail qui se sont révélées dans toutes les parties de la France. Elles auraient aussi à pourvoir à des besoins nouveaux et à intervenir, comme à l’origine de leur établissement, dans la création d’associations particulières aux départemens où elles agiraient. Dans leur courte carrière, les banques provinciales d’avant 1848 avaient aidé, par leur coopération et par les groupes qu’elles avaient formés autour d’elles, presque toutes les grandes entreprises locales, en favorisant la mobilisation de leurs titres et faisant sur ces valeurs des avances comme la Banque de France en fait actuellement sur la rente et sur les actions et obligations des chemins de fer et du crédit foncier. De ce chef seul, leur réorganisation mettrait immédiatement à la disposition du commerce et de l’industrie une somme d’au moins 5 ou 600 millions, représentés par plus d’un milliard de titres d’emprunts départementaux, communaux, municipaux, d’actions de mines, ponts, gaz, etc., qui existent en province et dont il est actuellement impossible de tirer aucune ressource. Cet avantage n’est pas à dédaigner[1], puisque nous avons démontré que le capital flottant du pays n’est pas suffisant ; mais les nouvelles banques auraient encore d’autres effets. On doit se rappeler qu’avant 1848 ces banques fixaient leur escompte suivant la situation financière des villes où elles fonctionnaient, et que par exemple celles de Lyon et de Marseille, en le maintenant pendant une période de dix ans à une moyenne de 2 1/2 à 3 pour 100, avaient néanmoins vu leurs actions tripler de valeur. Elles se trouvaient vis-à-vis de la Banque de France dans la position où se trouve maintenant la Banque de Belgique vis-à-vis des places de Londres et de Paris. La Banque de Belgique offre en ce moment un singulier spectacle : elle abaisse à 4 pour 100, pour les valeurs acceptées, et à 4 1/2 pour 100, pour les valeurs non acceptées, le taux de l’escompte, pendant qu’il est en France et en Angleterre de 7 et 8 pour 100. Ce fait n’est-il pas instructif, et les banques départementales ne pourraient-elles pas avoir un rôle analogue à celui que joue la Banque de Belgique entre ses deux puissantes voisines ? Il est certain que l’uniformité dans le taux de l’intérêt que le privilège exclusif de la Banque de France entraîne après lui est un des plus puissans obstacles à la libre répartition du capital ; mais si l’on reconstituait des banques départementales, elles auraient des encaisses métalliques indépendans qui ne laisseraient plus la France livrée aux

  1. La difficulté de mobiliser les titres des emprunts départementaux et municipaux en élève le prix, on le conçoit. N’est-ce pas un des meilleurs élémens du crédit de la ville de Paris que la faculté qu’a, par exception, la Banque de France de prêter sur ses obligations municipales ?