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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/719

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bien le dire, et ce fait ne pourrait être démenti, les capitaux de la Péninsule seule eussent été impuissans pour produire de pareils résultats.

Un double caractère se révèle donc dans cet ensemble d’affaires industrielles. On peut y voir le désir violent que nourrit l’Espagne de. marcher dans la voie qui lui a été ouverte par d’autres pays, une sorte d’empressement à tout entreprendre, l’affluence incohérente, mais réelle, des capitaux étrangers, d’un autre côté des hésitations, des tâtonnemens, des rivalités qui embarrassent par instans cet essor si nouveau au-delà-des Pyrénées. Ces divers caractères viennent se concentrer en quelque sorte dans un épisode qui est l’un des derniers de cet enfantement industriel, et qui met en contact les intérêts de la France et de l’Espagne. C’est la question de la traversée des Pyrénées, ou, pour l’appeler d’un nom plus actuel et plus précis, ; la question du chemin de fer des Alduides, question plus brûlante qu’on ne peut le croire, qui a soulevé des tempêtes en Espagne, agitant les passions politiques elles-mêmes et provoquant des rivalités de toute sorte. De quoi s’agit-il donc ? Les chemins de fer espagnols destinés à parcourir le nord de la Péninsule auront-ils un seul aboutissant ou deux points de jonction avec notre frontière des Pyrénées occidentales ? Voilà de quoi il s’agit.

La question des Alduides n’est pas nouvelle ; depuis bientôt trois ans, elle n’a cessé d’être agitée avec passion. Il existe une ligne ferrée qui, partant de Madrid, suit le cours de l’Hénarès vers l’Aragon, traverse la sierra de Mistra, touche à Calatayud, parcourt une partie de la vallée du Jalon, pour aller à Saragosse se présenter à la vieille porte Quemada, près de laquelle l’inquisition exécutait jadis ses victimes, — vieux débris sanglant qui s’affaisse devant la civilisation moderne. De Saragosse, cette ligne se dirige vers Tudela par la vallée de l’Èbre, qu’elle traverse sur un aqueduc gigantesque, suit la rivière de l’Arga, et arrive à Pampelune, la jolie capitale navarraise. Cette ligne partira-t-elle de là pour aller joindre directement la France, traversant les Pyrénées aux monts Alduides ?

Si l’empire voisin, comme l’on nous désigne généralement en Espagne, tient à ne laisser échapper aucune des occasions favorables au développement de sa richesse, il est cependant plus désintéressé dans ce débat qu’on n’a voulu le dire ; mais il est vrai aussi que la grande expérience que nous avons acquise de ces sortes de solutions nous permet de dégager plus sûrement les intérêts du pays des rivalités auxquelles ils se trouvent parfois mêlés. Malgré de nombreuses et anciennes concessions, il n’y a pas longtemps que les chemins de fer espagnols ont du crédit en Europe : la timidité des capitaux indigènes étant connue, il n’est pas étonnant que la construction du réseau ait éprouvé des retards. Le chemin