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dans la situation des choses ; il a donc tout intérêt à ce que les compagnies d’elles-mêmes opèrent cette réduction, et il est certain que chacune des deux sociétés qui traverseraient ainsi la frontière serait obligée d’offrir au commerce des avantages qu’il ne peut espérer avec le monopole du transit. La concurrence est un moyen élémentaire pour corriger ce que les concessions peuvent présenter de désavantageux.

Ce que nous venons de dire suffit pour qu’on puisse balancer les avantages et les inconvéniens qu’offrirait pour l’Espagne une seconde communication naturelle, relativement économique, et qui n’a certes rien d’impossible, entre sa capitale et le grand marché de la France, communication qui pourrait même à certains momens faire de Carthagène un des ports les plus fréquentés par le commerce de l’Algérie. Après tout, la Péninsule a un exemple bien frappant devant les yeux. Depuis longtemps déjà, il ne manque pas d’esprits portés à croire que l’existence distincte du Portugal est une anomalie ; l’annexion a trouvé des partisans qui n’ont pas caché leurs désirs, et cependant, lorsqu’il s’est agi de relier Madrid à Lisbonne, la seule condition qu’ait imposée le gouvernement portugais, si menacé en paroles, a été de faire passer la voie ferrée devant la forteresse d’Elvas. Or qui ne connaît, de réputation au moins, cette forteresse, plus dangereuse pour ses défenseurs que pour des assiégeans, — dont les ouvrages n’existent pas même sur le papier, et qui est à peine une redoute ? Ce n’est pas là de l’imprudence de la part du jeune roi dom Pedro, c’est de la confiance : il ne craint pas l’avenir.

Doit-on beaucoup espérer du gouvernement espagnol une solution favorable au chemin de fer des Alduides ? En aucun pays du monde, l’imprévu ne joue un aussi grand rôle que de l’autre côté des Pyrénées. Doué d’une ardente imagination, le peuple s’enflamme, se passionne rapidement, et souvent les argumens les plus concluans viennent se briser contre une nature qui répugne à convenir qu’elle peut avoir eu tort ; seulement, comme son intelligence est au niveau de toutes les situations, il s’aperçoit de ses fautes, et alors il préfère un changement radical à une modification. C’est ce qui vient d’arriver. — Le gouvernement, qui participe de toutes les qualités et de tous les défauts nationaux, s’aperçoit qu’il a fait fausse route ; mais, au lieu de revenir sur ses pas, il se met à la recherche d’une nouvelle solution pour le deuxième passage des Pyrénées.

Ici commence une dernière phase de la question. Le gouvernement espagnol, voyant que la concession unique d’Alsasua eût été une injustice, chargea, il y a quelque temps, les deux ingénieurs qui s’étaient déjà occupés de cette affaire, MM. Estibaus et Arnao, de rechercher une solution plus conforme aux intérêts du pays. De