Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/738

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivies de toutes celles qui sont défrayées par de simples virtuoses. De talens de premier ordre comme Paganini, Thalberg, Vieuxtemps ou Servais, il n’y en a plus guère dans aucune partie de l’art musical ; mais on trouve beaucoup d’artistes distingués dont l’exemple suffit à maintenir le niveau des bonnes études. Nous citerons, parmi les artistes de cette catégorie qu’on a entendus cet hiver à Paris, les deux pianistes étrangers MM. Schuloff et Jaell, et M. Alard, le violoniste classique et fort aimé du Conservatoire de Paris.

Ce n’est pas une chose facile que de projeter un peu de lumière sur les nombreux concerts qui se donnent chaque année à Paris, et de parler avec mesure de tous les artistes qui s’y produisent. Les pianistes surtout, qui surabondent toujours, exigent une oreille bien exercée pour apprécier les nuances d’exécution qui les distinguent les uns des autres. Nous essaierons pourtant de classer ces nuances, et dans cette exposition tumultueuse de talens divers nous nous efforcerons d’établir un peu d’ordre et de justice.

La Société des Concerts, qui est toujours la meilleure institution musicale de la France, a inauguré le 13 janvier la trente-quatrième année de son existence, sous la direction de Tilmant. On a ouvert la séance par la symphonie en de Beethoven, qui a été exécutée avec fougue. L’ouverture de la Grotte de Fingal, qui remplissait le deuxième numéro du programme, est, comme toute la musique de Mendelssohn, plus remarquable par les détails que par la pensée première ; elle n’offre que de jolies et piquantes combinaisons de sonorité, auxquelles manque un sujet qui en justifie l’à-propos. La scène de la bénédiction des drapeaux du Siège de Corinthe de Rossini, qui est venue après l’ouverture ingénieuse de Mendelssohn, est une page admirable de musique dramatique. La séance s’est terminée par l’Alléluia du Messie de Handel, que la Société redit sans cesse, sans pouvoir se décider à pénétrer plus avant dans l’œuvre considérable de ce grand musicien biblique. Le deuxième concert a commencé par un morceau de Mendelssohn fort connu en Allemagne sous le titre de Symphonie-Cantate. C’est une composition d’un caractère semi-religieux, dont l’exécution a duré une heure et demie. Le public n’a pas fait un accueil très favorable à ce morceau d’une longueur excessive, et dont le style a paru plus monotone que vraiment religieux. On n’y a vivement applaudi que l’allegretto de la partie symphonique. Ni les chœurs, ni les airs, ni les duos, qui ont été fort médiocrement chantés d’ailleurs, n’ont été appréciés, ce qui ne prouve pas du tout que la Société ait eu tort d’enrichir son répertoire d’une nouvelle œuvre de Mendelssohn. Il appartient à une société composée d’artistes d’élite comme celle du Conservatoire de faire l’éducation du public et de lui imposer des œuvres signées par des maîtres qui sont reconnus pour tels. Après des fragmens d’un concerto de violon de Viotti, exécutés avec talent par un élève de M. Alard ; M. Sarrazate, après l’air des Nozze di Figaro, chanté maigrement avec des paroles françaises, ce qui ne devrait jamais être permis au Conservatoire, on a terminé par l’ouverture du Freyschütz de Weber. À la troisième séance,