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de Marenzio, a été bien rendu par les chœurs, que dirige avec soin M. Marié. La première partie s’est terminée par des fragmens d’un opéra italien d’Handel, Acis e Galatea, musique charmante, d’une grande difficulté vocale. Après l’introduction d’Eliza, ou le mont Saint-Bernard, opéra de Cherubini, d’une belle expression dramatique, quoique un peu froide, Mme Viardot a chanté avec une bravoure étonnante un air horriblement difficile d’un vieil opéra de Graun, Britannicus. L’accompagnement de cet air, qui a été écrit peut-être pour la Mara, une célèbre cantatrice allemande de la seconde moitié du XVIIIe siècle, a été évidemment retouché par un compositeur moderne, car j’y ai remarqué des couleurs et des instrumens qui ne se trouvent pas dans l’orchestre très simple de Graun, imitateur d’Handel et des compositeurs italiens de l’époque. L’Angélus, chœur sans accompagnement d’Anerio, qui était le contemporain de Palestrina, a été rendu avec ensemble et justesse : c’est doux, placide et charmant comme la prière d’un groupe d’anges peints par fra Angelico ou le Pérugin. Le concert s’est terminé par d’autres fragmens de l’oratorio déjà cité de Haydn, le Retour de Tobie. Cette séance intéressante fait honneur au goût éprouvé et à la haute expérience de M. de Beaulieu, qui a attaché son nom à une fondation utile à l’art dont il est un digne représentant.

Au commencement de l’hiver, le 19 décembre 1860, M. Wekerlin a donné un grand concert au Théâtre-Italien, où il a fait entendre plusieurs œuvres de sa composition, parmi lesquelles une symphonie dramatique intitulée les Poèmes de la Mer. M. Wekerlin est un homme de talent, un esprit laborieux, qui s’est fait connaître par d’agréables romances, par des chœurs et un ou deux opéras, qui ont été représentés au Théâtre-Lyrique. Éprouvant des difficultés auprès des directeurs de théâtre, qui ne peuvent suffire à toutes les vocations qui frappent à leur porte, M. Wekerlin a voulu donner la mesure de ce qu’on peut attendre de lui par une composition développée à l’instar du Désert de M. Félicien David. La première partie du programme était remplie par une ouverture, par une ballade et une scène de bohémiens ; la deuxième partie contenait les Poèmes de la Mer, avec les vers de M. Autran, que le musicien avait disposés au gré de sa fantaisie. Cette tentative de musique pittoresque, renouvelée des Saisons d’Haydn, de la Symphonie pastorale de Beethoven, du Songe d’une Nuit d’Été et de la Mer calme de Mendelssohn, du Désert et de Christophe Colomb de M. Félicien David, ne pouvait réussir que par un coup de génie. On a remarqué dans l’œuvre de M. Wekerlin du talent et une ou deux romances gracieuses, celle chantée par le mousse Cabinboy, et une autre, pour voix de ténor, intitulée la Promenade, qui a été chantée avec sentiment par M. Félix Lévy. L’ensemble de la composition de M. Wekerlin manque de force et de cette variété puissante qui seule pouvait conjurer les énormes difficultés du sujet.

M. Wekerlin, qui a le goût des recherches curieuses, a publié, avec M. Champfleury, une collection de chansons populaires de la France. J’aurais bien des remarques à faire sur les notices de M. Champfleury, où abondent