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être attaqué à la fin de juin… » Le 28 du même mois, il s’exprimait ainsi : «… Nous allons voir si le congrès peut se réunir à Prague ; mais toutes les probabilités paraissent à la guerre. » Le 1er juillet, parlant des préparatifs militaires de l’Autriche et s’abandonnant aux vaines illusions qui, à la veille de la levée en masse de la Prusse, lui avaient fait croire que le roi Frédéric-Guillaume ne pourrait pas disposer de plus de vingt-cinq mille hommes, il donnait pour certain que la cour de Vienne, avec tous les efforts imaginables, n’était pas en état de tenir sur pied plus de cent mille hommes répartis en trois corps pour faire face à la fois du côté de la Saxe, de la Bavière et de l’Italie. Il est difficile de concevoir sur quelles bases était fondé cet étrange calcul. Napoléon avait-il donc oublié qu’en 1809 l’Autriche lui avait opposé plus de cinq cent mille combattans, et que les pertes territoriales qu’elle avait faites depuis cette époque n’atteignaient pas les sources vitales de sa puissance ?

Le 28 juillet, il fit savoir au vice-roi que les hostilités ne commenceraient pas avant le 16 ou le 17 août. Le 9 août enfin, il lui apprit que le congrès allait très mal, que probablement l’armistice serait dénoncé le 10 par les alliés, et que la déclaration de guerre de l’Autriche nous serait alors notifiée. C’est exactement ce qui arriva. On voit que Napoléon ne fut point surpris, comme on l’a quelquefois supposé, par une confiance exagérée dans le bon vouloir de l’Autriche, qu’il ne se méprenait pas sur les conséquences de son refus d’accéder aux propositions de M. de Metternich, et qu’il courait, en pleine connaissance de cause, toutes les chances de la rupture.

La reprise des hostilités fut suivie presque immédiatement d’une de ses plus éclatantes victoires, la bataille de Dresde, après laquelle il put pendant quelques instans se croire de nouveau le maître de l’Europe. Le prince Eugène, en l’apprenant, se persuada encore une fois que la paix était prochaine ; mais déjà de graves et nombreux échecs éprouvés par les lieutenans de l’empereur sur les points où il ne pouvait se trouver en personne avaient plus que compensé les effets de cette victoire, et le réduisaient, dans la forte position centrale qu’il occupait en Saxe, à une impuissance d’action qui lui portait un coup mortel en détruisant son prestige. Quant à la position du vice-roi, elle n’était point facile. Pour défendre les provinces illyriennes et l’Italie, il n’avait, avec quelques divisions françaises, qu’une armée italienne toute neuve, l’ancienne ayant péri presque entièrement en Russie, une armée composée de jeunes gens de dix-huit à vingt-ans à qui un mois ou six semaines passés dans les dépôts n’avaient pu donner l’instruction et les habitudes militaires, et qui n’avaient pas même la force physique nécessaire pour supporter les fatigues de la guerre. Les maladies, développées par une saison exceptionnellement rigoureuse, ne tardèrent pas à éclaircir les rangs.