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confiance et d’amitié sur lesquels, dit-il, l’empereur lui permettait de compter journellement, lui en exprime sa profonde affliction, lui annonce l’intention de quitter immédiatement Vienne, où sa position est devenue insupportable, pour aller à Munich chercher des consolations dans le sein de sa famille, et témoigne l’espérance que sa conduite, en justifiant la bienveillance dont l’empereur l’a jusqu’alors honoré, la lui fera un jour recouvrer tout entière ; mais rien dans cette lettre ne fait la moindre allusion à la scène qui aurait eu lieu dans le congrès. Il n’en est pas question non plus dans la réponse de l’empereur, qui lui exprime son regret de ce qu’il a mal compris le message de Czernicheff, dont le seul but était de lui expliquer que les événemens récemment survenus rendaient nécessaire une sorte de circonspection dans leurs relations sans altérer la tendre amitié et la véritable estime qu’il lui portait.

Une lettre du prince Eugène à M. de Metternich, écrite vers la même époque, jette quelque jour sur cette situation. Il en résulte que ce ministre lui avait fait parvenir, dans une forme amicale, des avertissemens sur des accusations d’intrigues et de complots dont il était l’objet ; mais il en résulte aussi que ces avertissemens ne reposaient sur rien de précis et de déterminé, car Eugène, en témoignant sa douleur de voir ainsi méconnaître sa loyauté et en remerciant d’ailleurs M. de Metternich, le prie de lui donner des informations plus détaillées sur ces accusations.

Grâce à l’insistance de l’empereur de Russie, le congrès prit enfin une résolution pour fixer le sort du prince : on lui offrit en toute souveraineté la petite principauté de Ponte-Corvo, située sur les frontières du royaume de Naples et des états de l’église, qu’on aurait arrondie dans la proportion nécessaire pour en porter la population à cinquante mille âmes ; il n’aurait pu d’ailleurs y résider qu’avec le consentement de l’Autriche. Outre ses biens personnels en Lombardie, il aurait conservé, dans les Légations, les dotations que lui avait données l’empereur Napoléon ; enfin le château de Bayreuth, en Bavière, avec ses dépendances, lui aurait été donné en propriété pour lui servir de résidence habituelle. Peu satisfait d’un arrangement qui restait si fort au-dessous de ses premières espérances, Eugène refusa la proposition du congrès et demanda que les puissances, en reconnaissant ses droits à obtenir un établissement souverain, indépendant et convenable pour lui et sa famille, s’engageassent à le lui procurer dès que les circonstances le permettraient. Ce contre-projet, appuyé par l’empereur Alexandre, fut agréé.

Les affaires du prince étant ainsi terminées ou plutôt ajournées, il partit pour Munich avec le roi de Bavière. Ses lettres à la princesse Auguste prouvent que depuis quelque temps déjà il désirait aller la rejoindre, et que s’il ne l’avait pas fait plus tôt, c’était dans la