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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/870

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laquelle Webster a déjà rattaché, comme un souvenir honorable et comme une espérance, le nom de George Canning, fils d’une comédienne[1].

Les acteurs anglais ont la réputation de vivre longtemps ; mais enfin ils sont mortels, et, après avoir pourvu aux besoins de la vieillesse, il a fallu s’occuper de leur dernière demeure. L’église nationale, qui ne les a point excommuniés pendant la vie, ne leur refuse, après la mort, ni ses prières ni une place dans le cimetière de la paroisse. J’ai vu des Anglais instruits ne rien comprendre aux circonstances pénibles qui ont suivi la mort de Molière, tant de pareils actes d’intolérance s’éloignent de leurs mœurs et de leurs idées. Un acteur nommé Palmer mourut en 1798 sur la scène du Liverpool Theatre Royal, au moment où il jouait le principal rôle dans un drame anglais imité de Kotzebue. Ses funérailles eurent lieu avec tous les honneurs religieux, et sur la fosse on plaça une pierre avec cette inscription, tirée de la pièce de Kotzebue : There is another and a better world (il y a un monde meilleur). Plusieurs des célébrités de la scène anglaise reposent même dans l’abbaye de Westminster. À la mort de mistress Clive, une demande fut adressée au doyen et au chapitre de cette abbaye célèbre, pour que l’actrice fût inhumée dans l’église. La permission fut accordée ; l’un des chanoines fit seulement observer qu’il était temps de mettre une limite à l’ambition des acteurs pour les honneurs posthumes, « car autrement, ajouta-t-il, l’abbaye de Westminster deviendrait bientôt une sorte de foyer gothique (gothic green room). » Tous les membres de la profession, n’étant ni Garrick ni Henderson, ne vont pourtant point, après leur mort, dormir à côté des grands hommes d’état, des poètes célèbres, ni des philosophes renommés. Jusqu’à ces derniers temps, les acteurs anglais n’avaient point de cimetière à eux ; mais en 1855 un incident donna lieu à l’achat d’un terrain pour y rassembler la grande famille du théâtre. Dans la matinée de la Noël de 1855, Anson avait perdu une fille à la fleur de l’âge ; les sévères devoirs de la scène l’empêchèrent de l’enterrer pendant la semaine, car il devait jouer tous les soirs sur le théâtre et assister pendant la journée aux répétitions. Selon l’usage de beaucoup d’Anglais très occupés, il remit les funérailles au dimanche. La cérémonie

  1. Une triste circonstance n’a point été sans doute étrangère à cette sollicitude pour les enfans des acteurs. Un arlequin du City of London Theatre, le pauvre Stevens, mourut dernièrement dans la misère et en laissant un orphelin. Une vieille et excellente femme, mistress Collins, arracha l’enfant à la sombre charité du workhouse, et résolut de l’élever elle-même. Comme elle était dans le besoin et trop affaiblie par l’âge pour gagner beaucoup aux travaux d’aiguille, elle accepta les secours de quelques personnes bienfaisantes en faveur de son fils adoptif. Au nombre de ceux qui secoururent l’orphelin de l’acteur est un ministre protestant, M. Robert Nichelson.