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sûreté de ces forteresses. On annonçait même une motion du gouvernement badois à la diète concernant ce sujet. Le gouvernement autrichien vient d’enlever ce prétexte à ses adversaires en retirant les troupes hongroises et italiennes, et en les remplaçant par des régimens allemands; mais les ennemis de la Prusse constatent avec malice que les journaux, en annonçant ce fait, ont en même temps informé leurs lecteurs que la Prusse va envoyer un régiment polonais tenir garnison dans la forteresse fédérale de Luxembourg. Ce qui vaut mieux toutefois que ces chicanes politiques, ce sont les grands festivals où excelle le génie germanique. Telle est cette grande fête musicale de Nuremberg, où assistaient cinq mille chanteurs venus de toutes les parties de l’Allemagne ; telle est encore la grande fête gymnastique de Berlin, donnée en l’honneur de l’anniversaire de la naissance de Jahn, qui introduisit il y a cinquante ans et popularisa la gymnastique en Allemagne. Cet anniversaire sera célébré dans l’Allemagne entière. La musique, la gymnastique, sont sans doute pour l’Allemagne des façons de satisfaire ses aspirations à l’unité; peut-être faut-il désirer pour son repos qu’elle n’emploie pas de moyens moins innocens pour réaliser son rêve.

Peut-être en ce moment, dans un coin de l’Europe qui depuis quelques années a plusieurs fois attiré l’attention, au Monténégro, se prépare un drame politique que les grandes puissances devraient s’efforcer de prévenir. On sait que le prince Danilo, qui pendant sa courte existence avait fait une figure originale dans les événemens d’Orient, a eu pour successeur un jeune homme, le prince Nikitsa, qui ne s’est montré guère capable jusqu’à présent de continuer l’œuvre de l’homme énergique et intelligent qu’il a remplacé. Le prince Nikitsa est pourtant le seul espoir du Monténégro. S’il résignait son pouvoir, les Monténégrins ne pourraient mettre à leur tête que des chefs de nahia, des capitaines de districts, et ces clans de monta- gnards perdraient la cohésion qu’avaient su leur donner les descendans de Pétrovitch. Il y a lieu de craindre que le général turc, Omer-Pacha, ne cherche à obtenir l’abdication du prince Nikitsa en l’intimidant par la grandeur des préparatifs qu’il fait contre les Monténégrins. L’humiliation et l’assujettissement du Monténégro seraient un succès qui exalterait l’orgueil turc, et donnerait dans cette partie de l’empire ottoman le signal d’une réaction fanatique. Le plus grand service que l’on pût rendre aux Turcs, ce serait de les préserver d’une telle victoire en étendant sur le Monténégro la protection de l’Europe, car la fermentation que la défaite des Monténégrins exciterait dans les régions avoisinantes mettrait en péril la domination des Turcs dans leurs provinces situées entre le Danube et l’Adriatique.


E. FORCADE.