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et où le plébéien s’était fait le colon, le client du patricien devenu son patron. Or jusqu’à ce jour la féodalité n’a guère enfanté d’institutions libérales dans aucun pays. Ce qu’on a pris pour la défense naturelle et spontanée des colons ou cliens n’était que l’exécution d’un contrat qui livrait les cliens aux patrons, et mettait ceux-ci dans la nécessité de défendre leurs cliens quand ils étaient poursuivis ou attaqués, à peu près comme on défend sa propriété. Nous avons eu en France un barreau de ce genre : le serf de la glèbe et le vilain avaient également un défenseur naturel dans le seigneur terrien ou haut justicier ; mais nous ne sachons pas que ce barreau seigneurial ait laissé les populations très reconnaissantes. M. Grellet-Dumazeau a donc bien fait de répudier pour le barreau romain cette fausse origine, de nous montrer le patronat sous son véritable aspect, c’est-à-dire comme une institution féodale à peu près semblable à celle qui a pesé sur la société française jusqu’à l’affranchissement des communes.

Mais où trouver les commencemens du barreau, et à quelles conclusions M. Grellet-Dumazeau est-il arrivé lui-même dans ses recherches ? Selon lui, « l’origine du ministère de l’avocat est probablement contemporaine du premier procès et du premier tribunal. » Si cette manière de voir est juste, on doit retrouver le ministère de l’avocat partout où il existe des procès et des tribunaux, ce qui revient à dire que ce ministère a dû s’exercer de tout temps et doit exister chez tous les peuples. Est-il en effet une contrée au monde où les hommes soient en paix avec la société ou avec eux-mêmes, et où personnes et biens ne soient à défendre devant les tribunaux ? Cette heureuse contrée a-t-elle jamais existé ? Non sans doute, et pourtant, si tous les pays ont eu des procès, tous n’ont pas eu d’avocats. Il existait, dit-on, des avocats dans les forêts de la Germanie ; mais de nos jours on en chercherait vainement en Turquie, et l’empire ottoman a des tribunaux. L’opinion de M. Grellet-Dumazeau serait mise en défaut par bien d’autres exemples, et, malgré la faveur dont elle jouit auprès des écrivains juristes, nous ne saurions l’admettre. Il nous semble qu’on n’a pas assez remarqué jusqu’à présent ce qu’est en soi le droit de la défense et à quelles conditions il lui est donné de se produire au milieu des institutions d’un pays. Là était, selon nous, le point de départ de toute investigation et de tout examen en cette matière. Il convient de s’y arrêter un instant.

L’attention s’est portée sur le droit de la défense dans deux circonstances notables, — au moment où l’on rétablissait en France la procédure secrète, — puis à l’époque où l’on venait de la supprimer pour toujours. En 1670 et en 1790, deux hommes différemment