de leur conscience que l’orateur libéral contestait : les questions de personnes étaient écartées. M. Jules Favre a démontré que la législation actuelle de la presse n’est point compatible avec la véritable indépendance des journaux ; il a montré que, par l’excès et l’abus de l’intervention administrative, le gouvernement se rendait directement ou indirectement responsable de la direction des journaux, et devenait en quelque sorte le journaliste unique du pays. M. Favre a eu un autre mérite : il a appelé l’attention plus fortement qu’on ne l’avait encore fait à la chambre sur le principal vice du système actuel, le droit que l’administration s’est attribué d’accorder ou d’interdire l’autorisation de fonder un journal. Cette attribution est bien plus contraire à la liberté de la presse que la juridiction administrative et la pénalité des avertissemens, sur lesquelles on a eu en général le tort de fonder presque exclusivement la critique de la législation de 1852, Sans doute l’autorité répressive que l’administration exerce sur les journaux est une exception au principe tutélaire de la division des pouvoirs et n’est pas compatible avec l’esprit de nos lois ; mais, en réservant au pouvoir exécutif la faculté d’autoriser ou d’interdire la création d’un journal, le décret de 1852 donne au pouvoir une action préventive bien plus incompatible avec la liberté, si c’est possible, que l’action répressive exercée par la voie des avertissemens. Trois grands principes qui sont compris apparemment dans les principes de 1789 ont donc à souffrir de la législation actuelle de la presse : le droit de propriété, puisque la propriété d’un journal est abandonnée à la discrétion de l’administration, qui peut la déprécier par les avertissemens ou la suspension prononcée contre le journal, ou la détruire par la suppression ; le principe de la liberté, puisque la presse est en certains cas frappée de pénalités pour des offenses qui ne sont point définies par la loi, et dont l’appréciation est enlevée à la justice ordinaire ; le principe d’égalité, puisque la création d’un journal, au lieu d’être soumise à des conditions légales, les mêmes pour tous, est devenue un privilège, une faveur arbitrairement octroyée ou refusée par le ministre de l’intérieur.
L’honorable M. Billault a répondu à M. Jules Favre, et nous comptons la réponse du ministre comme l’un des succès de l’orateur libéral. M. Billault a parlé plus d’une fois durant la dernière session avec une adresse remarquable. Tout le monde reconnaît qu’il a aisément conquis la première place parmi les ministres sans portefeuille, parmi les ministres orateurs qui sont chargés d’exposer et de défendre par leurs plaidoiries devant les chambres les actes du gouvernement. Nous sommes sur ce point de l’avis de tout le monde : c’est dire que nous ne cherchons à déprécier ni le mérite ni la gloire de M. Billault, si nous sommes obligés de constater que sa réponse a laissé dans cette lutte tout l’avantage à M. Jules Favre. Nous ne parlons point de quelques digressions peu heureuses. En voulant prouver que l’administration a bien fait de refuser l’autorisation de créer un journal à un écrivain modeste, M. Chassin, dont nous avons dans le temps encouragé les justes réclamations, M. Billault, trompé par des renseignemens officiels