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les oppositions tchèque et polonaise une majorité qui les rendrait maîtres de l’empire. On ne conçoit pas qu’une nation aristocratique renonce ainsi à l’éclat qu’elle recevrait en contribuant à former et à diriger une puissance européenne de premier ordre, pour se confiner dans les étroites limites qui la tiennent à l’écart des affaires générales du monde. Le temps aura peut-être raison de ce contre-sens ; peut-être le plus efficace moyen d’action de la cour de Vienne sur la Hongrie sera-t-il la patience. En attendant, tout rôle extérieur est interdit à l’Autriche, et les Italiens peuvent lire sans inquiétude les protestations opiniâtres, mais dénuées de moyens d’action, que renferment les dépêches de M. de Rechberg.

Il paraît qu’en Prusse il y aurait eu une crise ministérielle plus sérieuse qu’on ne voudrait le laisser croire. Décidément le roi Guillaume n’abandonne pas le principe du droit divin, et n’est point prêt à jouer en Allemagne un rôle analogue à celui que Victor-Emmanuel a si énergiquement mené à bout en Italie. Le ministère a encouru le déplaisir du roi en se montrant peu favorable au renouvellement de la vieille cérémonie de l’hommage qui suivait l’avènement des rois de Prusse. Dans des pays où la tradition historique est un des élémens les plus vivans de l’esprit national, il y a peut-être plus de puérilité à s’offenser de ces coutumes léguées par le moyen âge, qu’à s’y complaire. D’ailleurs, pour être lente dans l’action, la politique prussienne n’en persiste pas moins dans celles de ses tendances qui lui rallient le National Verein et les partisans de l’unité allemande. Le duc de Cobourg vient d’accomplir ce qu’on pourrait appeler la fusion militaire de ses états avec la Prusse. Cette abdication militaire, au profit de la Prusse, du prince qui patronne le mouvement unitaire excitera sans doute des protestations au sein de la diète de Francfort ; mais comme elle procure au prince et à son état une économie importante, sans affaiblir, à vrai dire, une petite principauté qui n’a aucune prétention à la puissance des armes, l’exemple aura peut-être des imitateurs parmi les petits princes, et l’unité militaire préparera lentement et sur une petite échelle l’unité politique. Le grand-duché de Bade, dont les tendances unitaires s’accusent chaque jour davantage, vient d’envoyer à Francfort pour le représenter un partisan de l’idée unitaire, M. de Mohl, qui jouit du reste en Allemagne de l’estime de tous les partis.

M. Disraeli vient de remporter dans la chambre des communes une victoire de tactique dont les membres de son parti, qui dans leur impatience manquent souvent de justice à son égard, doivent lui savoir gré. La question des church-rates, des taxes pour l’entretien des églises, taxes insupportables aux dissidens, semblait perdue pour le parti conservateur depuis bien des années. À chaque session, avec cette patience infatigable qu’ont en Angleterre les membres de la chambre qui veulent attacher leur nom à une réforme, sir John Trelawny obtenait aux communes un vote favorable à l’abolition de ces taxes, abolition à laquelle la chambre des lords s’opposait avec une persistance non moins remarquable. Cette année, au vote sur