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ne pas désespérer pourtant d’un succès prochain. Il est certain que le mouvement national est favorisé par les dispositions du clergé secondaire, et qu’une obstination plus longue de la cour de Rome mettrait en péril les intérêts sérieux de l’église en Italie. Nous ne croyons point aux rumeurs de schisme légèrement répandues : de telles menaces ne sont que des boutades de mauvaise humeur ; mais le temps pourrait venir où l’église aurait à regretter cette offre magnifique de la liberté que M. de Cavour lui a pour ainsi dire léguée, et que M. Ricasoli renouvelle avec éclat. Peut-être l’objet du voyage de M. Arese en France, où il est accompagné d’un des amis les plus dévoués et des collaborateurs les plus distingués de M. de Cavour, M. Artom, se rapporte-t-il, du moins en partie, à l’une des combinaisons qui se préparent en Italie pour la solution pacifique de la question romaine.

Si l’Italie est obligée par la plus simple prudence d’ajourner tout conflit avec l’Autriche, on doit reconnaître que l’Autriche de son côté est trop paralysée dans son action étrangère par ses embarras intérieurs pour pouvoir troubler la sécurité de l’Italie. Il est difficile de comprendre comment la Hongrie, dont les représentans vont porter à l’empereur l’adresse diétale, pourra, après une telle adresse, se concilier avec la cour de Vienne, et pourtant l’esprit se refuse encore à croire à l’imminence d’un déchirement violent. C’est une circonstance curieuse que la situation de la Hongrie n’est pas moins compliquée que celle de l’empire autrichien, considéré dans son ensemble. Le problème dont la diète de Pesth s’occupe en ce moment est de concilier au gouvernement magyar les nombreuses races répandues sur le territoire hongrois. Toutes ces races demandent l’usage de leur langue, des administrations séparées et une sorte d’autonomie. Il faut satisfaire les Slovènes du nord et les Slaves du midi. Il faut gagner la Croatie, qui, elle, veut s’étendre jusqu’à ses frontières virtuelles, c’est-à-dire s’agréger d’une part la Croatie turque et de l’autre la Carniole, la Carinthie, la Styrie et l’Illyrie, qui sont comprises dans le territoire de la confédération germanique. Il faut faire vivre d’accord les Roumains, les Saxons, les Sicules de la Transylvanie. Il est vrai que, dans ce premier moment d’effusion universelle qui suit la ruine du despotisme centralisateur, ces nationalités diverses se montrent animées de dispositions bienveillantes envers les Magyars ; mais ces bonnes dispositions seront-elles durables, et les Magyars ne seront-ils pas exposés au premier jour à des difficultés semblables à celles qu’ils suscitent maintenant à l’empereur François-Joseph ? Le Reichsrath, tout incomplet qu’il soit, est déchiré par des discordes de races. Les Polonaise les Tchèques y font cause commune ; il faut rendre cette justice aux Polonais, que, tout en maintenant leurs prétentions nationales, ils montrent plus d’esprit politique que les Tchèques. Le chef de ceux-ci, M. Rieger, semble prendre plaisir à offenser les Allemands par de puériles violences. On a peine à s’expliquer, en voyant ce qui se passe dans le Reichsrath, que les Hongrois abdiquent volontairement l’influence prépondérante qu’ils exerceraient par leur présence sur l’empire tout entier. Il leur serait si facile d’y former avec