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L’INSURRECTION CHINOISE.

venons de résumer les informations. On voit que, si elles suffisent pour apprendre d’une manière générale l’époque à laquelle l’insurrection a éclaté, le lieu où les rebelles ont pris les armes, la marche qu’ils ont d’abord suivie, elles ne font malheureusement connaître aucun de ces détails d’organisation et d’action qui eussent pu jeter tant de jour sur l’origine de la révolte. À partir du moment où le rapport des censeurs parut dans la Gazette de Pékin, l’organe du gouvernement a fréquemment publié de longs bulletins de succès et de revers, exagérant systématiquement les premiers, dissimulant autant que possible les seconds, mais laissant cependant subsister les principaux faits dont il ne pouvait nier l’évidence. Il m’a semblé utile de dégager ces faits des complications et des réticences qui embarrassent le récit officiel, et d’en tirer pour le lecteur un ensemble propre à lui faire comprendre la marche de l’insurrection jusqu’à la période où elle intéresse plus directement l’Europe, et qui mérite d’être traitée à part. Le mouvement insurrectionnel dont la déposition de Hotah avait révélé les premiers symptômes s’était concentré, vers la fin de 1849, aux environs de la capitale du Kouang-si. En 1850, on le voit s’étendre dans toute la partie orientale de la province, et le gouvernement envoie pour le combattre Lin-tse-sin, vice-roi du You-nan et du Koueï-tchéou, après l’avoir revêtu des fonctions de commissaire impérial. Lin jouissait de l’entière confiance de Hienn-foung depuis qu’il avait brûlé l’opium anglais à Canton en 1839 ; mais cette fois il n’eut pas le temps de montrer sa vigueur et sa fidélité : quelques jours après son arrivée dans le Kouang-tong, une mort subite l’emporta. Lin s’était empressé d’entamer des négociations avec les chefs rebelles. Ces derniers lui avaient exposé leurs griefs, et il leur avait promis de les porter à la connaissance de l’empereur. Parmi ces griefs, la mauvaise administration des autorités du Kouang-si figurait au premier rang. On assure que les collègues de Lin, craignant qu’il ne dévoilât leurs malversations, l’empoisonnèrent.

Le succès de l’insurrection ne s’était pas borné au Kouang-si. Une bande de rebelles avait franchi les frontières du Kouang-tong et pénétré, en semant sur ses pas la terreur et le pillage, jusqu’à la ville d’Ong-youen, à trente lieues de Canton. Elle s’en était emparée et y avait établi un bureau où étaient régulièrement perçues les contributions forcées qu’elle levait sur le commerce des environs. Le vice-roi Siu et le gouverneur Yé[1] l’attaquèrent avec vi-

  1. Yé-ming-tching succéda plus tard à Siu en qualité de gouverneur-général des deux Kouang. Il s’est acquis une sanglante célébrité en faisant tomber soixante-dix mille têtes sur la place publique de Canton pour terrifier la rébellion qui avait envahi les environs de sa résidence, et en soutenant contre les armes alliées la lutte opiniâtre qui a amené l’incendie des factoreries, le bombardement et l’occupation de la capitale des deux Kouang. Fait prisonnier dans son prétoire au moment de la prise de Canton, il a été emmené aux Indes et est mort à Calcutta.