Oui, commencez.
Commence, commence.
Oui, commencez, monsieur Gorski.
Vous le voulez absolument !… Volontiers… Je commence. (Il tousse.) Hum ! . hum !…
Hé ! hé ! nous allons rire.
Ne riez pas d’avance !… Or donc écoutez. Un certain baron…
Avait une fantaisie[1].
Non, avait une fille.
Bon, c’est à peu près la même chose.
Dieu ! que tu es spirituel aujourd’hui ! Or donc un certain baron avait une fille unique : elle était très jolie, son père l’aimait beaucoup, elle aimait beaucoup son père, tout était pour le mieux. — Mais un beau jour la jeune baronne se persuada soudain qu’au fond la vie était chose fort déplaisante. La voilà qui commence à s’ennuyer, elle pleure et se met au lit… La camériste court aussitôt prévenir le père. Le père arrive, regarde, hoche la tête ; il se retire à pas mesurés, sonne son secrétaire et lui dicte trois lettres pour trois jeunes seigneurs d’ancienne souche et de tournure agréable. Le lendemain, nos trois jeunes seigneurs viennent s’incliner à tour de rôle devant le baron. La jeune baronne se reprend à sourire comme auparavant, — plus gracieusement encore qu’auparavant, — et examine avec attention les trois prétendus, car le baron était un diplomate, et les jeunes gens étaient des prétendus.
Comme tu entres dans les détails !
Quel mal y vois-tu, mon cher ami ?
Mais oui, laissez-le faire.
Continuez.
La jeune baronne a donc trois prétendans. Lequel choisir ? C’est le cœur qui répond le mieux à cette question… Mais quand le cœur balance ?… La
- ↑ Allusion à un proverbe russe : « Chaque baron a sa fantaisie. »