Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/293

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Je quittais cette longue plaine que borde la Garonne, froide encore des neiges qui l’ont grossie, et la vue de cette vaste ceinture des Pyrénées qui se déroule encore devant moi à l’instant où j’écris. Cette ligne de montagnes dans leur blancheur glacée limite nos campagnes unies et cultivées, comme le rempart des Alpes longe les champs fertiles du Piémont et de la Lombardie. Notre ciel, moins renommé que celui de l’Italie, a peut-être plus de pureté et de douceur, et devient encore plus serein et plus clément à mesure qu’on approche du littoral de la Méditerranée. C’est aux environs de Narbonne que commence à se montrer la végétation caractéristique du midi. Ce qui empêche l’olivier de se plaire chez nous, ce n’est pas le ciel, c’est la terre". Notre sol est trop élevé ; mais à partir de Narbonne on marche presque sur le plan de la mer. Les étangs sont des lagunes ou des maremmes exposées aux vents impétueux du sud, coupées tour à tour de vignes et de salines, de prairies et de canaux, et qui, par l’âpreté des coteaux, l’éclat du ciel, la teinte des mers, peuvent rappeler certains rivages de l’Emilie et de la Toscane. Enfin, dès qu’on rentre un peu dans les terres, à travers de riches cultures qui n’ont rien de l’aspect du nord, on arrive à Nîmes, cette ville où l’antiquité romaine est debout.

Nîmes a maintenant l’apparence d’une ville riche et prospère, belle à la manière nouvelle et dans le goût du siècle. La gare du chemin de fer est elle-même un édifice orné, dont le premier étage sert de station aux trains et d’étape aux wagons, et quand les voyageurs en descendent, ils se trouvent dans une large rue qui commence à se garnir de riches bâtimens. Celui qui frappe le premier est la préfecture, grande comme un palais. Le style de la nouvelle rue de Rivoli, du boulevard Sébastopol, ou des maisons de l’avenue de l’Étoile, gagne toutes nos grandes villes. Cette première entrée de Nîmes conduit à une vaste place ou plutôt à une vaste promenade, au milieu de laquelle s’élève une fontaine en marbre blanc, ouvrage important d’Antoine Étex. Les rues, les places adjacentes, le boulevard qui y touche, tout s’est nettoyé, élargi, embelli ; tout a pris cet air de soin et de luxe qu’il ne faut pas s’attendre à trouver souvent en Italie, et qui me faisait une Nîmes toute nouvelle, depuis trente ans et plus, je crois, que je ne m’y étais arrêté. Malgré les critiques d’un goût sévère, je ne fais point fi de l’architecture moderne de nos villes transformées ; ces œuvres matérielles, ces marques visibles de la prospérité du siècle, attestent et caractérisent le plus certain peut-être des progrès de nos sociétés, et j’ai trop la passion d’être de mon temps pour ne pas voir le bon et même le beau côté des créations de cette activité sociale élevée de nos jours à une puissance inconnue. Il y a certes des produits et des