Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/305

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l’une avec l’imagination, l’autre avec la raison, et je tiendrais pour singulièrement frivole celui qui ferait si peu de cas de la parole humaine que tout ce qu’il a entendu et répété des années se perdît comme un vain son, dès qu’il faut agir ou juger des faits. Quel futile passe-temps que de se plaire incessamment, de Corinne à Childe-Harold, à relire les conseils et les vœux du génie pour le réveil et l’indépendance de l’Italie, puis, le jour du réveil venu, l’heure de l’indépendance sonnée, de rayer ces mots comme nuls, de traiter en rêves d’enfans tous les souhaits, tous les appels, toutes les prophéties qu’on accueillait avec un apparent enthousiasme, et d’insulter à ce qu’on feignait d’espérer ! Pour moi, je l’avoue, je n’en suis pas venu à mépriser à ce point les mots ni les idées dont l’humanité a paru s’émouvoir, et je n’ai point vécu cinquante ans à réciter des fables. Je tiens pour sérieux le poète qui a dit :

Dans les fils réunis cherche ton Roméo,
Noble et sainte Italie, ô mère du vrai beau !

Mais puisqu’à d’autres il faut d’autres témoignages, voici ce que pensaient il y a longtemps, de ces récentes chimères tant insultées, trois hommes qu’on peut en croire sur l’Italie, et qui négligeaient point en poètes lyriques les affaires du monde, Machiavel, Napoléon et Rossi.

Le livre du Prince se termine par un chapitre intitulé : Exhortation à délivrer l’Italie des Barbares, et ce chapitre finit ainsi :

« On ne devait pas laisser passer pour l’Italie cette occasion de voir, après tant de temps, apparaître son rédempteur. Je ne puis exprimer avec quel amour il eût été reçu dans toutes les provinces qui ont souffert des inondations étrangères, avec quelle soif de vengeance, avec quelle foi obstinée, avec quelle affection pieuse, avec quelles larmes ! Où sont les portes qui se fermeraient devant lui, les peuples qui lui refuseraient soumission, l’envie qui se lèverait contre lui, l’Italien qui lui dénierait obéissance ? Pour tous, c’est la peste que cette domination des Barbares. »


Voilà pour la haine de l’étranger. Venons à l’initiative et à l’influence du Piémont :


« Le Piémont seul, écrivait Rossi en 1829[1], a encore une force nationale. La rivalité contre l’Autriche, le sentiment que l’Italie a besoin de la dynastie de Savoie, la cessation des persécutions, l’espoir que les vœux des amis de la liberté pourront un jour se réaliser, et la conduite franche, loyale, du roi défunt, ont conservé les liens entre le gouvernement et la nation, malgré les événemens de 1821, et même dans le cœur des proscrits.

  1. De l’État de l’Italie, 1829.