Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/306

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Piémont est en Italie le seul gouvernement non étranger qui ait une force morale et matérielle à la fois, car les Piémontais et les Génois sont fort braves, et l’armée est bien organisée. Le jour où le roi de Piémont consentira à faire ce qu’il aurait déjà dû faire en 1814, le jour où il accordera à ses deux peuples des institutions raisonnables où le tiers-état et la noblesse trouvent également leur place, le jour où par cela seul il s’émancipera de cette espèce de dépendance anti-nationale dans laquelle il paraît être maintenant vis-à-vis de l’Autriche, ce jour-là il raffermira les bases de « on trône, il doublera la force de l’état, et il attirera sur lui les regards et les bénédictions de l’Italie. »


De cette concentration des espérances et des forces de l’Italie sous la direction du Piémont à l’unité politique, il y a une certaine distance ; mais à qui, si ce n’est à la nation italienne, de savoir si cette distance, elle la veut franchir ? Quant à l’unité en elle-même, si, comme toute grande nouveauté historique, elle peut provoquer le doute et l’hésitation, voyons pourtant si elle n’est qu’une fiction tombée d’hier dans quelques esprits fantasques.

On ne peut écrire une ligne sur l’Italie sans se reporter à l’un des plus beaux morceaux de géographie politique et militaire qui aient été écrits, à cette description de l’Italie tracée de la même main qui tint l’épée d’Arcole et de Marengo. Elle se trouve dans un des plus importans ouvrages qui aient paru de nos jours. Il est vrai que cet important ouvrage est un des livres qu’on lit le moins, et le public se souvient à peine que Napoléon a écrit des mémoires. C’est dans le premier volume de ces mémoires, consacré presque entier à l’Italie, qu’après l’avoir décrite en maître, il s’arrête et se dit : « L’Italie isolée dans ses limites naturelles, séparée par les mers et par de très hautes montagnes du reste de l’Europe, semble être appelée à former une grande et puissante nation ; » mais aussitôt il cherche et donne avec la sagacité du plus expérimenté des hommes de guerre les raisons prises de la configuration de ce pays, et qui ont été la cause de ses malheurs et des succès de ses ennemis. Cependant il ne voit pas là un insurmontable obstacle, et il termine par ces mots : « Quoique le sud de l’Italie soit par sa situation séparé du nord, l’Italie est une seule nation ; l’unité de mœurs, de langage, de littérature, doit dans un avenir plus ou moins éloigné réunir enfin ses habitans sous un seul gouvernement. »

Voilà les paroles mêmes de Napoléon. Sont-elles prophétiques ? L’avenir nous l’apprendra.

Ajouterai-je que l’empereur continue ensuite ses conseils à cette monarchie (c’est le nom qu’il lui donne) dont il salue de loin la naissance ? Dirai-je, au risque d’encourager une opinion que je ne partage pas, qu’il s’occupe même de rechercher quel lieu serait le plus propre à devenir sa capitale ? Il ne voit, remarquez ceci, d’hésitation