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Ouan-kin, qui avait pu rassembler à temps quelques milliers de volontaires, il s’enferme dans la petite place de Tu-liou, où il travaille à élever de formidables retranchemens. L’autre corps tient en échec toutes les forces du général Ching-paou, et il évite une action générale jusqu’au moment où il arrive sous les murs de Tsing-haïv qu’il emporte d’assaut le 29 octobre. Quelques jours auparavant, le commissaire impérial avait reçu un renfort de troupes tartares sous les ordres du général Tsang-ki-lin-sin[1], et Si-ling-a, qui poursuivait les rebelles depuis le Fleuve-Jaune, avait réuni ses Mandchoux à la division du Tchi-li. Ching-paou se hâta de mettre le siège, avec toutes ses forces, devant Tu-liou et Tsing-haï.

Pendant les deux derniers mois de 1853, les opérations militaires du commissaire impérial n’amenèrent aucun résultat décisif. Les rebelles se trouvaient en face des soldats tartares, défenseurs intéressés du trône. Habitués à combattre sous un climat plus doux de plus faciles ennemis, ils attendirent derrière leurs fortifications que le retour du printemps et l’arrivée de nouveaux renforts leur permissent de reprendre l’offensive. Cette inaction leur devint fatale. Ils manquèrent bientôt de vivres, et ils durent faire des sorties pour s’en procurer. Leurs forces s’épuisèrent dans de nombreuses escarmouches qui furent un thème inépuisable pour la verve présomptueuse du commissaire Ching-paou. Le secours attendu fit défaut. Le froid et la faim brisèrent cet élan qui les avait portés pour ainsi dire tout d’une haleine jusqu’au pied des murailles de la capitale. Il ne leur fallait plus qu’un dernier effort pour conquérir, en les franchissant, ce prestige qui impose la soumission aux populations éblouies, cette légitimité qui suit toujours le triomphe : ils vinrent échouer au but même de leur séditieuse entreprise ; leur retraite commença lorsqu’ils allaient l’atteindre.

Le 10 décembre, les deux garnisons rebelles tentent d’opérer leur jonction, mais Ching-paou s’avance en personne pour prévenir l’accomplissement de ce projet et arrive avant elles au point où elles devaient se réunir. En apercevant les bannières impériales, la garnison maîtresse de Tsing-haï se hâte de regagner ses quartiers ; celle qui s’est enfermée dans Tu-liou ose commencer l’attaque, mais, prise en tête par la cavalerie tartare, en queue par Ching-paou, balayée par l’artillerie du général Toung-ting, elle s’enfuit bientôt en désordre, laissant plusieurs centaines de morts sur le terrain. L’empereur

  1. Tsang-ki-lin-sin est devenu un personnage célèbre. C’est lui qui a victorieusement repoussé notre attaque lorsque l’escadre anglo-française a tenté le 25 juin 1859 de forcer l’entrée du Peï-ho. Chargé d’organiser la défense dont nos troupes ont vaillamment triomphé, le prince Tsang l’a dirigée avec énergie et valeur ; mais sa trahison de Tong-tchéou a terni l’éclat de sa conduite.