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les districts de Yenn-ping et de Chao-vou, dont elles pillèrent les capitales. L’année suivante, elles furent contraintes d’évacuer ces positions et se divisèrent en deux corps : l’un poussa vers le nord et s’empara, en 1858, de la ville de Soung-ki ; l’autre marcha vers le sud, longeant la chaîne des Bohèa, franchit au commencement de 1860 les frontières du Kouang-tong, où il occupa Ta-pou et Kia-ying. La rébellion n’avait pu pénétrer dans les départemens maritimes du Fo-kien, mais elle était entrée au cœur de la province ; elle en avait parcouru et ravagé toute la partie occidentale.

HOU-PE ET HOO-NAN. — Le Hou-pé a été, pendant ces dernières années, le foyer le plus ardent de l’insurrection. Nulle part la lutte ne s’est montrée plus impitoyable ni plus active, nulle part elle n’a pris une physionomie plus sauvage, nulle part on n’a fait des deux côtés d’aussi constans et d’aussi puissans efforts pour conquérir et conserver, reprendre et maintenir des positions qui occupent les plus vitales parties de l’empire. Les rives du Yang-tze-kiang, les frontières des deux provinces voisines, le Kiang-si et le Ngan-hoeï, où dominait depuis 1853 la cause de Taï-ping-ouang, ont été principalement le théâtre de ces sanglantes péripéties. Dans les derniers jours de mars 1854, Vou-tchang-fou, la capitale du Hou-pé, Han-yang-fou, qui est située sur le bord opposé du fleuve et qui forme avec elle le plus vaste marché de la Chine, Houang-tchao-fou, autre grande ville, dont le Yang-tze-kiang baigne également les murs, sont prises par les insurgés. La nouvelle de ce désastre frappe les ministres de Hienn-foung comme un coup de foudre. Ils jugent que le temps de l’indulgence et du pardon est passé. Le cœur paternel du souverain gémira ; mais il doit consentir, pour le salut de ses peuples, à des châtimens qui punissent rigoureusement la lâcheté ou l’impéritie, qui réveillent l’apathie et la torpeur, qui épouvantent les traîtres. Le vice-roi du Hou-kouang[1], Ta-yong, est destitué ; Tsing-ling, gouverneur du Hou-pé, qui a laissé tomber Vou-tchang, la capitale de sa province, au pouvoir de la rébellion, sera décapité sans merci. Quelques jours après, les hautes autorités de la province assistaient sur la place publique de Chang-cha, la capitale du Hou-nan, à une scène lugubre et sanglante. Le gouverneur Tsing-ling, auquel tout récemment encore elles obéissaient comme à leur chef, paraissait en leur présence dans l’attitude d’un suppliant. Le visage tourné vers Pékin, il s’inclinait profondément et implorait à haute voix le pardon de l’empereur. Près de lui, debout et revêtu des insignes de son costume officiel, se tenait le commandant des troupes de la province,

  1. La vice-royauté du Hou-kouang comprend les deux provinces du Hou-nan et du Hou-pé.