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de Nankin et de Shang-haï, et qui nous ont mis face à face avec l’insurrection chinoise.


II. — LES INSURGES DANS LE KIANG-SOU ET A NANKIN.

Le Yang-tze-kiang, qui arrose les provinces les mieux cultivées et les plus industrieuses de la Chine, est aussi la grande artère de l’insurrection. C’est ce fleuve qui l’a portée directement au cœur même du Hou-pé, du Ngan-hoeï et du Kiang-sou. C’est par ses affluens qu’elle a remonté, à travers le Hou-nan, le Hou-pé et le Ho-nan, jusqu’aux bords du Fleuve-Jaune, et qu’elle a envahi toute la province du Kiang-si[1]. Le grand fleuve et les rivières qu’il reçoit font communiquer entre elles toutes les positions importantes que l’insurrection occupe. Il coupe en deux le Ngan-hoeï et le Kiang-sou, baigne leurs capitales, Ngan-king et Nankin, ainsi que leurs plus vastes cités, où se déploie, depuis huit ans déjà, l’étendard de Taï-ping-ouang. Les flottilles des rebelles sillonnent ses eaux ; chaque jour, le bruit de leur artillerie fait retentir les échos de ses rives. Tant qu’ils n’en auront point été chassés, ils seront maîtres de tout le centre de l’empire, et disposeront de ses plus fécondes et de ses plus vitales ressources.

Battus à plusieurs reprises par Ho-tchoun, qui leur tua cinq mille hommes en 1855, près de Ta-tang, les vainquit en 1856 dans trois rencontres, sous les murs de Vou-veï et de Ta-ping, et fit brûler vifs plusieurs de leurs chefs, les rebelles avaient perdu successivement la plupart des villes qu’ils occupaient au sud de la province. L’année suivante, ils vengèrent cruellement ces défaites, et on les retrouve en 1860 établis à Ngan-king, à Ning-kouo, à Ta-ping, c’est-à-dire commandant tout le cours du grand fleuve dans le Ngan-hoeï, et maîtres à peu près absolus d’une grande partie de cette belle province.

La province voisine, le Kiang-sou, où est situé Nankin, a vu s’accomplir

  1. Il suffit de jeter les yeux sur une carte de la Chine pour reconnaître l’exactitude de cette assertion. Au sud du Fleuve-Jaune, les rivières et les canaux sont les grandes routes de l’empire. Les produits de l’agriculture et de l’industrie, les fonctionnaires, les marchands, les soldats voyagent par eau. Les insurgés du Kouang-si ont suivi le cours du Si-kiang pour pénétrer jusqu’à la capitale du Kouang-tong ; le Pe-kiang et le Tong-kiang les ont conduits au nord et à l’est de cette province ; par le Tsi-kiang et le Siang-kiang, ils ont remonté jusqu’au lac Toung-ting, et le Fleuve-Bleu les a portés à Nankin ; par le Grand-Canal et les affluens du lac Houng-tsih, ils ont envahi les districts septentrionaux du Ngan-hoeï, et sont parvenus à travers le Ho-nan jusqu’aux rives du Fleuve-Jaune ; par le Han-kiang et les nombreuses rivières qui s’y jettent, ils ont parcouru tout le Hou-pé ; le Kan-kiang et les rivières qui se déchargent dans le lac Poyang leur ont ouvert enfin les principaux districts du Kiang-si.