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à la fois religieux et politiques[1]. Entrer dans l’analyse de chacun de ces écrits serait se condamner à de fastidieuses répétitions : il suffira de les prendre dans leur ensemble et d’en présenter un résumé général qui fasse ressortir le but politique du chef de l’insurrection, les préceptes religieux, les maximes morales qui sont les fondemens de sa réforme et les bases de sa doctrine.


« Tous les hommes, dit Taï-ping-ouang, ont été créés par le grand Dieu. Il leur a donné la vie, il la leur conserve ; ils appartiennent donc tous à une même famille, ils sont donc tous frères, frères par le corps, puisqu’ils descendent tous du premier homme créé par Dieu, frère par l’âme, puisque toutes les âmes ont une commune origine, le grand Dieu.

« Le grand Dieu a créé le monde en six jours ; il a donné à l’homme l’empire de toutes choses ; il l’a revêtu de gloire et d’honneur. Il y eut au commencement une nation que Dieu consacra spécialement à son culte : son nom était Israël. Elle devint captive en Égypte et gémit sous le poids d’un dur esclavage. Dieu en eut pitié : il envoya Moïse et Aaron demander au roi sa délivrance ; ni leurs miracles ni les plaies dont ils frappèrent l’Égypte n’ayant pu toucher son cœur endurci, Dieu fit périr tous les premiers-nés de son royaume. Israël alors fut libre et put quitter la terre d’Égypte ; mais le roi envoya ses armées à sa poursuite : elles furent englouties dans la Mer-Rouge, qui se divisa pour laisser passer les fugitifs. Dans le désert, Dieu nourrit son peuple avec la manne et les caillés qu’il lui envoya du ciel. Il déploya sa puissance sur le mont Sinaï, et écrivit ses dix commandemens sur des tables de pierre qu’il avait fait faire par Moïse.

« Dans la suite, les hommes, tentés[2] par le diable, tombèrent dans la désobéissance et l’infortune ; mais Dieu eut pitié de leurs malheurs, et il envoya son fils aîné en ce monde, afin qu’il donnât sa vie pour la rédemption du genre humain. Jésus, le seigneur et le sauveur du monde, racheta l’homme du péché en répandant pour lui son précieux sang sur la croix. Trois jours après sa mort, il ressuscita, et pendant quarante autres jours il enseigna à ses disciples les doctrines célestes. Avant de monter au ciel, il leur ordonna de répandre parmi les peuplés la connaissance de son Évangile et de sa volonté révélée. Tous ceux qui refuseront d’y croire seront condamnés.

« Cependant les Chinois, trompés par les démons, s’écartèrent des dix commandemens et « s’enfoncèrent de plus en plus dans l’erreur ; » mais le

  1. Deux autres traités, ceux des Dispositions de l’armée et du Cérémonial de la céleste dynastie Taï-ping, contiennent des détails d’organisation qui n’offrent pas grand intérêt. Le Nouveau Calendrier pour la troisième année de la céleste dynastie, qui faisait aussi partie des brochures qu’on nous a remises à Nankin, modifie entièrement le système astronomique suivi de toute antiquité par les Chinois et consacre une réforme malheureuse. Les auteurs de ce traité substituent à la combinaison des périodes solaires et lunaires, qui comportait les calculs les plus exacts, la division invariable de l’année en douze mois de trente jours chacun, ou trois cent soixante jours.
  2. Voyez l’Ode de la dynastie Taï-ping, et le traité Classique trimétrique, ainsi appelé parce que chaque ligne contient trois syllabes.