Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/344

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps et des faits, le développement du caractère religieux et politique de l’insurrection a dû modifier les idées, les intentions, les mœurs des rebelles, ce serait formuler à l’avance la solution d’un problème qui intéresse peut-être tout le genre humain ; ce serait définir dès ce jour l’influence que le triomphe de Taï-ping-ouang, s’il venait à se réaliser, exercerait sur les relations du peuple chinois avec les autres peuples de la terre, sur les relations d’un tiers de l’humanité avec le reste du monde.

Ce n’est pas que les documens ou les informations fassent défaut à celui qui veut tenter la difficile étude de ce problème social. Nous en connaissons les données, et nous savons qu’elles sont authentiques. Taï-ping-ouang a fait passer entre nos mains des proclamations et des brochures, nos agens et nos voyageurs ont visité ses places de guerre, ses généraux et ses ministres. Malheureusement les écrits que nous possédons et les actes mêmes dont nous avons été témoins ne sont pas d’accord. Les écrits nous avaient d’abord charmés et remplis d’espérances ; les actes nous ont douloureusement surpris. Les faits ont paru le plus souvent démentir les promesses. En présence de ces contradictions, l’historien demeure interdit. Il connaît les habitudes antiques et les vices enracinés de ce peuple, qu’une révolution religieuse, une révolution chrétienne pourrait seule rajeunir et régénérer ; il sait que le mensonge y est en honneur et en crédit, que l’astuce et la duplicité le gouvernent, que les plus belles maximes ornent la mémoire et les lèvres souriantes de ses hommes d’état, tandis qu’elles sont bien loin de leurs cœurs. Comment n’hésiterait-il pas dans ses appréciations ? comment ne suspendrait-il pas son jugement, et oserait-il énoncer des convictions ou des certitudes ?

Les traités qui renferment l’explication du système de Taï-ping-ouang, l’exposé de ses vues et de sa doctrine, sont au nombre de huit. Le premier, intitulé : Livre des préceptes de la dynastie Taï-ping, est exclusivement religieux[1]. Les sept autres, le Classique trimétrique, l’Ode pour la jeunesse, le Livre des décrets célestes et déclarations de la volonté impériale, le Livre des déclarations de la volonté divine faites à l’occasion de la descente du Père céleste sur la terre, la Déclaration impériale de Taï-ping, les Proclamations publiées, sur l’ordre de l’empereur, par Yang et Siaou, ministres d’état, et l’Ode de la dynastie Taï-ping sur la rédemption du monde, sont

  1. Il faut y ajouter les traductions en chinois de la Genèse, de l’Exode, des Nombres, conformes, à quelques mots près, à celles que renferme la seconde édition des œuvres de Gutslaff, publiée à King-po, ainsi que la traduction de l’Évangile de saint Matthieu. Ces travaux ont été publiés par Taï-ping-ouang postérieurement à la plupart des écrits dont nous donnons ici les titres, alors qu’il avait fondé à Nankin le siège de son pouvoir, et que depuis deux ans déjà son système religieux était établi.