Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/365

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de susciter en faveur de l’illustre franciscain d’Oxford un mouvement de recherches qui ne s’arrêtera plus, s’il plaît à Dieu, jusqu’au jour où justice entière sera faite et où Roger Bacon aura retrouvé la place qu’il mérite dans l’histoire de l’esprit humain. En 1848, M. Cousin, tout occupé de ses travaux sur la philosophie du moyen âge, découvrit dans la bibliothèque de Douai un manuscrit inédit de Roger Bacon. Cette grande mémoire l’intéressa. « Nous ne pouvions oublier, dit-il, cet ingénieux et infortuné franciscain qui, à la fin du XIIIe siècle, comprit la haute utilité des langues, enrichit l’optique d’une foule d’observations et même d’expériences importantes, signala le vice du calendrier julien et prépara la réforme grégorienne, inventa la poudre à canon ou du moins la renouvela1, qui enfin, pour avoir été plus éclairé que son siècle dans les sciences physiques, en reçut le nom de doctor mirabilis, passa pour sorcier et subit la longue et absurde persécution qui a consacré sa mémoire auprès de la postérité. Nous attachions, d’autant plus de prix à retrouver quelque ouvrage inédit de Roger Bacon qu’un examen attentif nous a laissé la conviction que, si par, sa naissance Roger Bacon appartient à l’Angleterre, c’est en France et à Paris qu’il acheva ses études, prit le bonnet de docteur, enseigna, fit ses expériences et ses découvertes, et à deux époques différentes fut condamné à une réclusion plus ou moins juste parle général de son ordre, Jérôme d’Ascoli, dans ce fameux couvent des franciscains ou des cordeliers qui occupait le terrain actuel de l’École de Médecine[1]. »

Plein de ces grands souvenirs, M. Victor Cousin s’appliqua à l’étude du manuscrit de Douai, et ne tarda pas à y reconnaître, sous un titre inexact et au milieu d’autres documens, un ouvrage capital de Roger Bacon, l’Opus tertium. On savait qu’après avoir envoyé au pape Clément IV, son protecteur, l’Opus majus, Roger Bacon avait écrit, sous le nom d’Opus minus, un second ouvrage qui devait être tout ensemble l’abrégé et le complément du premier ; mais ce qu’on savait moins, ce qu’on avait perdu de vue depuis Samuel Jebb, c’est que Roger Bacon avait fait un troisième et suprême effort pour réunir dans une sorte d’encyclopédie l’ensemble de ses pensées et de ses découvertes. Ce dernier mot de son génie, c’est l’Opus tertium. M. Cousin a le mérite de l’avoir fait connaître pour la première fois et d’en avoir mis en lumière les côtés les plus intéressans. Ce n’est pas tout : depuis 1848, M. Cousin a rendu un nouveau service à la mémoire de Roger Bacon en découvrant dans la bibliothèque d’Amiens un manuscrit qui contient une sorte de

  1. Journal des Savans, mars 1848.