Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/399

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d’un seul. La répartition de l’impôt devant être désormais, dans les vues bienfaisantes du roi, un partage fraternel des charges publiques, c’est contrarier la nature même de cet établissement que d’ôter la désignation des administrateurs à la multitude des intéressés. »

L’abbé de Séguiran passait en revue les divers modes d’élection ; il écartait l’idée de faire élire tous les membres par une seule réunion électorale où les ordres seraient confondus, et prenait à part chacun des trois ordres. « Nous commencerons, dit-il, par le tiers-état. Intimement lié au succès de vos opérations, parce qu’en général il n’attend sa prospérité particulière que de la prospérité de la province, cet ordre sera tôt ou tard le nerf et la force de vos assemblées. Dépositaire presque unique des lumières locales, instruit plus que tout autre des secrets de la nature du sol qu’il a étudié sans relâche, il vous fera connaître tout à la fois les maux et les remèdes, les besoins et les ressources. Flatté de son influence sur l’administration publique, il entreprendra les plus grandes choses par amour pour son roi et pour sa patrie, s’il peut joindre à l’honneur de les servir celui d’y être appelé par le choix le plus libre de ses commettans. »

Le rapporteur proposait donc de procéder dans la forme suivante aux élections du tiers-état : on eût divisé la province en vingt-quatre arrondissemens à peu près égaux, composés d’environ trente paroisses ; chacun de ces arrondissemens, qui devaient avoir à peu près l’étendue de deux de nos cantons d’aujourd’hui, aurait été appelé à élire un membre. Les assemblées électorales devaient se composer des maires et échevins du chef-lieu et de six représentans des campagnes, députés par les paroisses ; les syndics ou maires étaient dans chaque paroisse les seuls électeurs. Les députés des douze arrondissemens où se trouvaient les premières villes de la province devaient être considérés comme députés des villes, les douze autres comme députés des campagnes. On n’organisait pas encore par là un système complet d’élection directe ; mais ce mode valait toujours mieux que l’usage généralement suivi dans les anciens états provinciaux, où le droit de représentation s’attachait à certaines villes privilégiées, au lieu de s’étendre à tout le territoire. Ces inégalités se comprenaient pour des temps où il n’existait pas de bourgeoisie rurale ; mais depuis que la propriété d’une partie du sol avait passé dans les mains du tiers-état, cet ordre avait acquis dans les campagnes, comme dans les villes le droit de représentation.

Pour la noblesse, on proposait un système tout différent. Il s’agissait de rendre uniquement éligibles pour cet ordre les possesseurs de terres seigneuriales donnant au moins trois ou quatre mille livres de rente, pourvu qu’ils eussent eux-mêmes cent ans de noblesse. On reconnaît là l’intention, qui se retrouvait alors partout, de réduire