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Telle fut dans son ensemble cette première session. Elle ne donna point par elle-même de grands résultats, mais elle prépara ce qui se fit par la suite. Cette réunion de quarante-huit députés, comme on les appelait, délibérant, sous la présidence d’un archevêque, sur les affaires d’une grande province, offrait un spectacle imposant, qui ne pouvait manquer de frapper les esprits. La province y vit le signe certain d’un retour à son ancienne prospérité, et les parties du royaume qui n’avaient pas encore de représentation provinciale accueillirent ce premier pas comme une promesse.

La seconde session fut convoquée pour le 16 août 1779, bien que les deux ans d’intervalle légal ne fussent pas expirés. L’intendant de la province, commissaire du roi, y annonça que le règlement définitif ne serait arrêté que plus tard en ce qui concernait le mode de renouvellement des membres, et qu’en attendant le roi avait réduit de deux le nombre des membres du clergé et augmenté d’autant ceux de la noblesse, satisfaction donnée par Necker au parti philosophique. Les deux nouveaux membres nommés par le roi étaient le duc de Béthune-Charost et le comte de Lusignan ; ils prirent séance immédiatement.

On a quelque peine à s’expliquer comment le duc de Charost n’avait pas été élu par l’assemblée ; on n’avait pas osé sans doute, par respect pour sa qualité de duc et pair, porter sur lui des suffrages qu’il méritait à tant d’égards. Descendant et héritier de Sully, qui avait en Berri ses principaux domaines, il possédait dans cette province d’immenses propriétés. La petite ville de Charost, érigée en duché-pairie par Louis XIV, est aujourd’hui un chef-lieu de canton du département du Cher. Né en 1728, le duc de Charost avait alors cinquante ans. Peu d’hommes ont laissé sur la terre un souvenir aussi vénéré. Il avait aboli sur ses terres les corvées seigneuriales dès 1770 et fondé dans sa seigneurie de Meillant, près du magnifique château qui existe encore, un hôpital qu’il entretenait à ses frais. En Bretagne, où il avait aussi des domaines, il avait établi des ateliers de charité ; en Picardie, il encourageait la culture du lin et fondait des prix sur les moyens de prévenir les épizooties. C’est de lui que Louis XV disait un jour : Vous voyez bien cet homme ; il ne paie pas de mine, et il vivifie trois de mes provinces. — Il porta dans ses fonctions de simple membre de l’assemblée du Berri, quoiqu’il eût pu les considérer comme au-dessous de son rang, le même zèle, le même dévouement qui devaient lui faire accepter, en 1799, celles de maire d’un arrondissement de Paris. Une juste popularité l’entourait dans la province, ce qui ne l’empêcha pas d’être arrêté pendant la terreur ; il ne dut la vie qu’au 9 thermidor.

Cette session extraordinaire de 1779 ne dura que quinze jours. Il