Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/42

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aucune suite à son projet. Il y fut bientôt remplacé par Necker, qui reprit avec ardeur la même pensée, et réussit à la réaliser. Le nouveau ministre n’aimait pas plus que son prédécesseur le principe des trois ordres, mais il comprenait que le moment n’était pas venu de les abolir, et il chercha un moyen de tourner la difficulté. Dans cette mesure, il trouva Louis XVI disposé à le suivre. En conséquence il adressa à son tour au roi, en 1778, un mémoire sur ce sujet. « Une multitude de plaintes, disait-il, se sont élevées de tout temps contre le genre d’administration employé dans les provinces ; ces plaintes se renouvellent plus que jamais, et l’on ne pourrait s’y montrer indifférent sans avoir peut-être des reproches à se faire. À peine en effet peut-on donner le nom d’administration à cette volonté arbitraire d’un seul homme, qui, tantôt présent, tantôt absent, tantôt instruit, tantôt incapable, doit régir les parties les plus importantes de l’ordre public, et qui doit s’y trouver habile après ne s’être occupé toute sa vie que de requêtes au conseil, qui souvent, ne mesurant pas même la grandeur de la commission qui lui est confiée, ne considère sa place que comme un échelon pour son ambition. Et si, comme il est raisonnable, on ne lui donne à gouverner en débutant qu’une généralité d’une médiocre étendue, il la voit comme un lieu de passage, et n’est point excité à préparer des établissemens dont le succès ne lui est point attribué. Enfin, présumant toujours, et peut-être avec raison, qu’on avance encore plus par l’effet de l’intrigue et des affections que par le travail et l’étude, ces commissaires sont impatiens de venir à Paris, et laissent à leurs secrétaires ou à leurs subdélégués le soin de les remplacer dans leurs devoirs publics. »

Ces observations, qui ne conviennent pas uniquement aux intendans d’autrefois, et qui trouveraient de nos jours plus d’une application, conduisaient Necker à proposer la création d’assemblées provinciales dont il définissait ainsi les attributions : « Il est sans doute des parties d’administration qui, tenant uniquement à la police, à l’ordre public, à l’exécution des volontés de votre majesté, ne peuvent jamais être partagées, et doivent par conséquent reposer sur l’intendant seul ; mais il en est aussi, telles que la répartition et la levée des impositions, l’entretien et la construction des chemins, le choix des encouragemens favorables au commerce, au travail en général et aux débouchés de la province en particulier, qui, soumises à une marche plus lente et plus constante, peuvent être confiées préférablement à une commission composée de propriétaires, en réservant à l’intendant l’importante fonction d’éclairer le gouvernement sur les différens règlemens qui seraient proposés. »

Après avoir montré combien les provinces différaient entre elles