Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/49

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

magistrature, et de soustraire à leurs regards continuels les grands objets de l’administration, surtout dès qu’on peut y parvenir par une institution qui, remplissant le vœu national, conviendrait également au gouvernement. »

La publication de ces paroles prophétiques souleva une véritable tempête dans les cours souveraines. On en conclut que Necker voulait enlever aux parlemens le droit de remontrance, et, l’opposition des magistrats venant se joindre-à celle des courtisans, le ministre réformateur ne put y résister. Il demanda au roi la destitution de l’intendant du Bourbonnais et des lettres de jussion pour l’enregistrement de l’édit sur l’assemblée provinciale de Moulins ; ces mesures énergiques répugnèrent à Louis XVI, et Necker donna sa démission le 19 mai 1781.

Le plan de Necker succomba avec lui ; mais des quatre assemblées provinciales qu’il avait fondées, deux restèrent debout, celles du Berri et de la Haute-Guienne, et n’ont cessé de fonctionner, malgré quelques restrictions, jusqu’en 1789. On peut donc les juger par ce qu’elles ont fait dans ces dix ans. L’intervention des membres du clergé y fut particulièrement utile. Dans celle du Berri, l’archevêque de Bourges, M. de Phelypeaux, fit l’usage le plus éclairé de son ascendant ; un autre ecclésiastique, l’abbé de Séguiran, depuis évêque de Nevers, déploya de véritables talens. Dans celle de la Haute-Guienne, l’évêque de Rhodez, président, se distingua plus encore ; ce n’était rien moins que M. Champion de Cicé, un disciple de Turgot, qui devint plus tard archevêque de Bordeaux, et qui, membre des états-généraux en 1789, devait décider la réunion de la majorité du clergé au tiers-état le surlendemain de la séance du Jeu de Paume. Necker, qui avait appris à l’apprécier pendant qu’il présidait l’assemblée provinciale, le fit appeler au ministère en qualité de garde des sceaux au mois d’août 1789.

Parmi les questions que le mémoire de Turgot avait laissées en suspens se trouvait l’étendue à donner aux circonscriptions provinciales. Les anciennes provinces n’avaient plus depuis longtemps d’existence légale, à l’exception des pays d’états ; il n’y avait de reconnu que les généralités. Necker avait évidemment l’intention de conserver à peu près la même division. Le nombre des provinces, en dehors des pays d’états, aurait été alors d’une trentaine, chacune composée en moyenne de deux à trois de nos départemens actuels. Telle était en effet l’étendue des quatre premières ; elles comprenaient environ 1,500,000 hectares chacune, tandis que l’étendue moyenne des départemens est de 600,000.

Quant aux pays d’états, on ne peut douter que, dans l’intention de Necker, un régime analogue ne dût s’étendre un jour jusqu’à eux. Cette bizarrerie qui maintenait, au milieu de la monarchie,