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que le sixième environ des revenus publics, l’immunité se réduisait en définitive à peu de chose. Le clergé se divisait en deux ; ce qu’on appelait le clergé étranger, c’est-à-dire celui de Flandre, d’Artois, de Franche-Comté, d’Alsace, de Lorraine, le plus riche des deux, était soumis, comme la noblesse, aux vingtièmes et à la capitation ; celui du reste du royaume, qu’on appelait le clergé de France, ne connaissait ni la capitation ni les vingtièmes, mais il payait aussi la taille d’exploitation par l’intermédiaire de ses fermiers, et de plus il avait à supporter certaines charges spéciales, comme le don gratuit au roi, que Necker évalue en tout à plus de 10 millions par an. Les antiques immunités allaient tous les jours en se réduisant par la force des choses, et le ministre espérait avec raison les supprimer tout à fait en confiant la réforme des impôts à des assemblées où les trois ordres comparaissaient dans des proportions si différentes. Il avait pour lui dans cette entreprise le concours des principaux membres de la noblesse et du clergé.

Par suite de la défiance générale qu’un siècle et demi de gouvernement absolu répandait dans les esprits, les provinces pouvaient craindre que le nouveau mode d’administration ne fût un moyen détourné de leur extorquer de nouveaux impôts. Necker essaya de se prémunir contre ce danger en déclarant solennellement, dans le texte même des arrêts du conseil portant établissement des assemblées provinciales, que le roi entendait recevoir de la province la même somme qu’auparavant, l’assemblée devant être uniquement occupée d’écarter l’inégalité et l’arbitraire qui régnaient dans la répartition. Là était en effet le plus grand inconvénient de la taille qui, perçue dans la plupart des provinces, non sur le sol proprement dit, mais sur les facultés présumées du contribuable, devenait entre les mains des officiers du fisc l’occasion d’injustices révoltantes. Tous les documens du XVIIIe siècle sont unanimes pour condamner le mode de perception connu sous le nom de taille personnelle. Considéré en soi, cet impôt n’avait rien d’excessif ; mais ce qui a laissé dans nos campagnes un si odieux souvenir, c’est le système suivi pour la répartition. Dès leur réunion, les assemblées provinciales s’occupèrent de porter remède à ces maux, et les principes qu’elles firent prévaloir se sont depuis généralisés.

Il ne faut pas croire cependant que l’intention du ministre fût de commencer par établir partout le même système d’impôts. Le mémoire présenté au roi en 1778 contenait ce passage remarquable : « La France, composée de vingt-quatre millions d’habitans répandus sur des sols différens et soumis à diverses coutumes, ne peut pas être assujettie au même genre d’impositions. Ici la rareté excessive du numéraire peut obliger à commander la corvée