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leur apparence actuelle. On comprend en effet que, dans le sol délayé, les couches d’argile et de sable se soient déposées régulièrement, et que toutes ces strates encore flexibles, inclinant de côté et d’autre vers les courans qui baignaient leurs bases, se soient voûtées en forme de coupoles.

Nous avons dit que les chaînes de bugors se dirigent généralement de l’est à l’ouest. Cela est vrai, surtout dans les environs d’Astrakhan ; mais si l’on compare ces lignes de monticules à une bordure de franges attachée au continent, on voit que ces franges s’étalent un peu en éventail, d’un côté vers le nord, de l’autre vers le sud. Elles sont toutes comme les extrémités de rayons partant d’un centre commun qui se trouverait dans la dépression du Manytch, sur le seuil qui sépare les versans des deux mers. On peut facilement s’expliquer cette disposition. Lorsque par suite de la rupture du Bosphore ou de la diminution des pluies le seuil du Manytch émergea de la mer, la nappe de la Caspienne, qui avait alors une superficie deux fois plus grande qu’aujourd’hui, fut tout à coup privée des masses d’eau douce qui l’alimentaient conjointement avec la Mer-Noire. Bornée au Volga, au Terek, à l’Oural et à des rivières insignifiantes, elle fut sans doute, dans l’espace de quelques années, réduite par l’évaporation à la moitié de son ancien bassin, et les eaux, dans leur dénivellation graduelle, creusèrent sur le rivage actuel ces étroits sillons qui nous étonnent. Sur les deux rives du Volga, on voit aussi des bugors dirigés perpendiculairement au rivage, et qui semblent devoir leur origine à l’écoulement des eaux des steppes dans le com’ant du fleuve .


III.

La communication qui existait autrefois entre les deux mers peut-elle être rétablie, et pouvons-nous espérer de voir un jour les navires se rendre sans obstacle de Gibraltar au port d’Asterabad ? Si Pierre le Grand avait connu la topographie de la Russie méridionale, il eût sans doute répondu affirmativement à cette question ; mais de son temps on n’avait aucune connaissance de la dépression du Manytch. Vers la fin du XVIIe siècle, il fit commencer le percement d’un canal à travers l’isthme étroit de Tsaritzin, qui sépare deux coudes très rapprochés du Don et du Volga. Les travaux continuèrent pendant quatre années ; mais les difficultés du terrain et surtout le mauvais vouloir des habitans firent abandonner l’entreprise. Maintenant encore ce projet semble irréalisable, et on s’occupe simplement de remplacer par un chemin de fer à locomotives la voie ferrée à traction de chevaux qui réunissait les deux fleuves depuis une quinzaine d’années. En 1722, le tsar Pierre, vivement