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de vessie qu’il lia avec un fil. Malgré cette précaution, la séve continua de sortir en gonflant la vessie, qui bientôt creva. Cela prouvait que la force qui chasse le liquide est considérable, et Hales voulut la mesurer. À cet effet, il prolongea la tige coupée par un tube vertical de verre qu’il scella à son extrémité, et il vit l’eau monter dans ce tube jusqu’à une hauteur de 22 pieds.

Il n’est pas possible d’expliquer ce phénomène par la simple capillarité. La théorie comme l’expérience prouvent en effet que les liquides peuvent bien s’élever dans les corps poreux, mais qu’ils ne peuvent, en aucun cas, sortir de l’intérieur des pores et se répandre à la surface ; il faut alors faire intervenir une autre cause, et pour la découvrir il est nécessaire d’étudier avec détails toutes les circonstances qui accompagnent la production des pleurs. On peut d’abord se convaincre que l’eau ne remplit pas complétement les pores des végétaux, et qu’elle y est mêlée à une quantité de gaz d’autant plus considérable que l’élévation du point étudié est plus grande. Dans un peuplier coupé pendant un hiver rigoureux, on a trouvé 60 pour 100 d’eau dans la racine, 56 à un mètre au-dessus du sol, 54 à 4 mètres, et enfin 51 pour 100 à 8 mètres. D’autre part, Hales a reconnu que les vignes répandaient non-seulement de l’eau, mais du gaz, et que la quantité de pleurs versés était d’autant plus grande que le cep était plus long, c’est-à-dire qu’il conservait plus d’air. Coulomb a observé de son côté que cet air s’échappait souvent en sifflant. C’est donc à l’action de ces gaz enfermés qu’il faut attribuer l’effet que nous étudions. Hales fit une autre observation, confirmée depuis par Duhamel du Monceau : il reconnut que les pleurs cessaient au moment du refroidissement de l’air et qu’ils recommençaient aussitôt que le soleil venait échauffer la plante. En résumé, les pleurs sont mêlés d’air, leur abondance est liée à l’abondance de ce gaz, et c’est par suite d’un réchauffement de la vigne qu’ils se produisent.

Après avoir reconnu ces conditions essentielles à la production du phénomène, il ne nous reste plus qu’à citer sommairement l’étude que M. Jamin a faite des propriétés qu’offrent les gaz quand ils sont enfermés avec de l’eau dans les pores d’une masse de craie ou de poudre tassée. Il a reconnu que ces gaz y existent à une énorme pression, qui dépasse 10 ou 15 atmosphères, et qu’ils sont tellement adhérens aux surfaces solides qui les emprisonnent, qu’on ne peut les extraire par aucun moyen. Seulement, quand on fait le vide autour de la matière qui les contient, ils augmentent considérablement de volume et font sortir l’eau, et d’autre part, quand on chauffe la masse poreuse en l’exposant au soleil, ils se dilatent énormément, et alors on voit encore l’eau sortir par la surface extérieure et tomber goutte à goutte, absolument comme elle sort de la vigne, et par