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végétaux. La base en est constituée par un corps poreux très dense qui représente les racines et qu’on plante dans un sol humide ; de là s’élève un tube rempli de plâtre qui figure la tige, et au sommet se trouve une surface large, poreuse, qui tient la place des feuilles et qui doit servir à l’évaporation. L’expérience a prouvé que cet arbre factice absorbe l’eau du sol comme les végétaux réels, et qu’il la répand dans l’atmosphère de la même façon.

Le grand avantage des expériences exécutées dans des conditions aussi simples est de permettre l’emploi du calcul. M. Jamin a exprimé par une formule mathématique toutes les conditions de son appareil, et cette formule non-seulement prévoit en gros, mais encore calcule numériquement toutes les circonstances du mouvement des liquides dans la masse entière ; or il se trouve que ce calcul explique précisément toutes les expériences qui ont été exécutées sur les arbres réels en même temps que l’appareil factice les réalise expérimentalement. Nous en citerons quelques-unes.

Le célèbre Hales déchaussa une racine de pommier, et, l’ayant isolée de ses voisines, il l’insinua dans un tube de verre, puis il la mastiqua avec soin, et après avoir rempli le tube d’eau il le plongea dans du mercure. La racine absorba cette eau, fit un vide dans le tube, et le mercure monta jusqu’à 9 pouces. La même expérience ayant été faite avec la racine d’un arbre factice, M. Jamin vit monter le mercure beaucoup plus haut, et même aussi haut que dans le baromètre.

On doit au docteur Boucherie une fort remarquable expérience. Elle consiste à pratiquer un trou dans le tronc d’un arbre et à y introduire un tube bien scellé, plongeant dans un liquide quelconque. Ce liquide est rapidement absorbé, et s’élève jusqu’aux extrémités les plus hautes des branches. S’il est coloré, il communique sa teinte à tout le corps ligneux, qui est parfaitement injecté au bout de quelque temps. Or la formule mathématique prouve qu’il doit en être ainsi, et l’arbre factice réalise ces mêmes effets aussi aisément que les végétaux réels.

Ces exemples, que nous pourrions multiplier, suffiront pour faire comprendre comment l’acte de l’ascension de la séve, considéré en lui-même et dégagé de toutes les autres fonctions d’un végétal, a pu, au même titre que tous les phénomènes de la physique, être soumis au calcul et expliqué dans toutes ses particularités ; mais, pour que cette explication soit complète, il faut y joindre celle d’un autre fait bien communément observé et connu généralement sous le nom de pleurs de la vigne. C’est encore à Hales qu’on doit l’étude complète de cette singulière action. Il avait taillé une vigne au printemps ; s’apercevant qu’elle perdait beaucoup d’eau par la plaie et craignant que le cep ne s’épuisât, il appliqua sur l’extrémité coupée une peau