Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/684

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Le marquis de Guerchy, fils du brave colonel de Fontenoi, qui avait été ensuite ambassadeur en Angleterre, partageait les mêmes idées et s’occupait d’agriculture avec passion. Arthur Young fait une agréable description des trois jours qu’il passa chez lui, en juin 1789, au château de Nangis (Seine-et-Marne). « Une maison, dit-il, toute remplie d’hôtes, l’ardeur de M. de Guerchy pour la culture, l’aimable naïveté de la marquise, tout contribuait à m’attacher. Je me trouvai là dans un cercle de politiques : je ne pus m’accorder avec eux que sur un point, le désir d’une liberté indestructible pour la France ; mais quant à la manière de l’établir, nous étions aux deux pôles. Le chapelain du régiment de Guerchy, qui a ici une cure, se montrait particulièrement porté pour ce qu’il appelait la régénération du royaume ; il entendait par là, autant que je pus le comprendre, une perfection théorique de gouvernement qui me parut le comble de la folie. Le château de M. de Guerchy est considérable et mieux bâti que ceux qu’on construisait en Angleterre à la même époque ; on était en France, sous Henri IV, plus avancé que nous en toutes choses. Grâce à la liberté, nous sommes parvenus à changer de rôle. Comme tous les châteaux que j’ai vus dans ce pays-ci, celui-ci touche à la ville ; mais l’arrière-façade a vue sur la campagne. On y fait les foins, et le marquis, l’abbé et quelques, autres montèrent avec moi sur la meule pour que je leur apprisse à la tasser. Avec de si ardens politiques quel miracle que la meule n’ait pas pris feu ! Je demandai à M. de Guerchy combien il en coûtait pour habiter un pareil château, avec six domestiques mâles, cinq servantes, huit chevaux, y recevoir du monde et tenir table ouverte, sans aller jamais à Paris ; il faut environ 1,000 louis de revenu, en Angleterre ce serait 2,000. »

Dans la session préparatoire de l’assemblée provinciale, il fut décidé que la commission intermédiaire se réunirait à Paris pour être plus près du gouvernement. Les mêmes raisons de jalouse indépendance qui avaient fait fixer hors de Paris le siège de l’assemblée elle-même n’existaient point en effet pour la commission. Les deux procureurs-syndics élus furent le comte de Grillon pour la noblesse et le clergé, et M. d’Ailly, ancien premier commis des finances, pour le tiers-état. La véritable session commença, comme partout, le 17 novembre. L’intendant de la province, M. Bertier de Sauvigny, remplissait les fonctions de commissaire du roi. Après l’accomplissement des formalités ordinaires, le comte de Grillon lut un mémoire sur la taille, et M. d’Ailly un autre sur la capitation. Tous deux tenaient compte des améliorations sensibles récemment apportées dans la perception. M. de Grillon surtout insistait sur les avantages de l’édit de 1780 qui avait arrêté la progression arbitraire