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dans cette généralité, » écrivait en 1699 M. de Bouville, intendant d’Orléans.

La Sologne, qui formait le quart environ de la province, fournit un des plus grands exemples connus de la puissance mortelle d’un mauvais gouvernement. Dans un mémoire de M. d’Autroche, membre de la Société royale d’agriculture d’Orléans, qui écrivait en 1786, on trouve le passage suivant: « Sous l’excellent roi Louis XII, dont on ne saurait prononcer le nom sans attendrissement, tout offrait en Sologne l’image de la richesse et de la prospérité. Une population nombreuse animait et fécondait chaque branche de culture, les coteaux étaient couverts de vignes ; plusieurs petites habitations appelées locatures, occupées par autant de ménages laborieux, entouraient chaque terre de quelque importance, et formaient comme autant de satellites. Des bestiaux abondans et bien nourris, en augmentant la masse des engrais, procuraient des récoltes heureuses, et ces récoltes, à leur tour, favorisaient la multiplication des animaux et des hommes. Et que l’on ne croie pas qu’on se fasse à plaisir un tableau chimérique ! Des états anciens du produit des dîmes et champarts ecclésiastiques prouvent que la seule production des grains était alors triple de ce qu’elle est à présent. Toutes les petites rivières qui traversent le pays étaient semées d’une foule de moulins très rapprochés les uns des autres. Depuis cent ans, les deux tiers ont disparu, et le peu qui en reste excède encore les besoins. Les petites locations ont subi le même sort, et s’il en subsiste encore un petit nombre, il touche à son anéantissement. Quant aux vignes, on ne retrouve plus que la trace de leur existence ; les bruyères ont pris la place des raisins. »

M. d’Autroche décrivait ensuite les causes qui avaient amené, selon lui, le dépérissement de la Sologne. «L’impôt de la gabelle doit être, dit-il, regardé comme la principale. Dans les pays fertiles et de grande culture, son influence a dû être bien moindre. D’après les relevés les plus exacts, la consommation du sel dans une ferme de Beauce estimée 3,000 livres coûte à peine 300 livres; l’impôt n’est dans ce cas que d’un dixième par rapport au revenu. Dans une ferme de 300 livres en Sologne, il s’en consomme pour 150 livres; la proportion devient alors comme un à deux et s’accroît d’autant plus que la ferme est plus modique. La Sologne était semée jadis d’une quantité prodigieuse de petites locatures, la consommation moyenne du sel ne pouvait y être moindre d’un quintal. Elles s’affermaient 40, 50, 60 jusqu’à 100 livres : tant que le prix du quintal de sel n’a été que de 10 livres, on avait intérêt à les conserver; mais l’impôt de la gabelle étant venu à s’accroître de manière à augmenter la dépense de chaque ménage de 10 livres, les locatures de