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séances du tribunal en vertu de leur droit, ou seulement par courtoisie et à titre d’étrangers de distinction.

La commission internationale avait bien raison de vouloir connaître ce qui se passait dans le tribunal extraordinaire de Beyrouth. C’était un parti pris et arrêté dans ce tribunal d’absoudre les officiers et les fonctionnaires turcs qui y étaient traduits comme ayant fait ou laissé faire les massacres de Syrie, ou de ne les condamner qu’à des peines illusoires. D’un autre côté, c’était une conviction arrêtée et persévérante dans l’esprit des membres de la commission internationale que les Turcs étaient les principaux coupables des massacres de Syrie, et qu’ils étaient même sur ce point plus coupables que les Druses eux-mêmes. Les Druses avaient fait le mal, poussés par les haines de la guerre civile ; les Turcs avaient fait et laissé faire les massacres par politique ottomane et par fanatisme musulman. Le tribunal extraordinaire de Beyrouth ne demandait pas mieux que de condamner sévèrement les Druses, et surtout les plus riches et les plus puissans parmi les Druses ; cela rentrait dans le vieux plan de la politique ottomane de frapper les Maronites par les Druses, et de frapper ensuite les Druses comme meurtriers des Maronites. La majorité de la commission internationale ne demandait pas mieux que de voir punir sévèrement les Druses, qui étaient les meurtriers: mais elle ne pouvait pas supporter de voir absoudre les Turcs, qui étaient les instigateurs des meurtriers. De là une lutte perpétuelle entre la commission internationale et le tribunal de Beyrouth, ou plutôt Fuad-Pacha et Abro-Effendi, qui soutiennent le tribunal qu’ils dirigent.

Fuad-Pacha, au commencement, avait voulu être sévère contre les Turcs qui avaient pris part aux massacres par leurs actes ou par leur connivence. A Damas, il avait fait condamner et fait exécuter Achmet-Pacha; à Beyrouth, pressé, il est vrai, par les sommations de l’amiral anglais Martin, il avait fait traduire Kourshid-Pacha devant le tribunal extraordinaire de cette ville. Il avait écarté du nombre des juges de ce tribunal le colonel Hosni-bek, qui aurait dû figurer au nombre des accusés; mais bientôt Fuad-Pacha avait été averti de Constantinople d’avoir moins de zèle pour la justice comme l’entendaient les Européens. « J’ai des raisons de croire, écrit lord Dufferin à sir Henri Bulwer le 18 janvier 1861, que Fuad-Pacha reçoit de la Porte des instructions dans un sens opposé à la conduite qu’il s’était prescrite, et que l’entreprise d’acquitter Kourshid-Pacha et les autres Turcs, aux dépens de la vie de trente cheiks druses, a été inspirée par Constantinople[1]. Le gouvernement anglais ne s’accommode point de ces intrigues contre la justice: il ne demande

  1. Documens anglais, p. 363, n° 270.