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l’autre à sir Henri Bulwer pour lui enjoindre « de faire une communication dans le même sens à la Porte-Ottomane[1]. » Je ne blâme point l’Angleterre de défendre énergiquement ses protégés quand elle les croit condamnés outre mesure; mais je m’explique comment sa volonté d’être juste contre les Turcs s’est trouvée affaiblie par son désir d’être secourable aux Druses[2].

Depuis le commencement de ses délibérations jusqu’à la fin, la commission internationale de Beyrouth n’a pas hésité un instant à déclarer que les officiers et les fonctionnaires turcs étaient les principaux coupables des massacres de Syrie, et le 23 février 1861 quatre commissaires sur cinq[3] ont signé l’acte suivant : « Les soussignés, après avoir pris connaissance des pièces du procès des fonctionnaires ottomans et des cheiks druses détenus à Beyrouth, croient devoir se borner à constater que de ces pièces il ne résulte aucune circonstance atténuante de nature à établir avec certitude que les fonctionnaires et officiers ottomans ne sont pas responsables en principe des événemens qui ont ensanglanté la montagne et amené le massacre de six mille chrétiens. Dans la pensée des quatre commissaires de France, de Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, cette responsabilité continue, ils ont regret à le dire, à peser sur les agens de l’autorité ottomane au moins autant que sur les plus coupables des chefs druses, et la différence des châtimens infligés aux uns et aux autres ne trouve pas, à leurs yeux, une justification suffisante dans les pièces du procès soumises à leur examen. En conséquence les soussignés ont l’honneur d’inviter son excellence Fuad-Pacha à suppléer par sa propre initiative et dans le légitime exercice des pleins pouvoirs dont il est muni, en consultant à la fois les inspirations de sa conscience et les nécessités aussi impérieuses qu’urgentes de la justice, à ce qu’il y a d’incomplet dans l’instruction et d’inéquitable dans les sentences du tribunal de Beyrouth, et à terminer le plus promptement possible cette œuvre de répression, dont les lenteurs ont entravé depuis six mois le rétablissement de l’ordre dans le Liban[4]. »

J’ai voulu citer cet acte solennel des commissaires internationaux de Beyrouth, parce que cet acte est, pour ainsi dire, le verdict de l’Europe sur les événemens de la Syrie. Qu’on ne dise plus que la Turquie n’est accusée que par des écrivains de mauvaise humeur, qui n’ont point de caractère officiel, qui n’ont pas étudié les ques-

  1. Documens anglais, p. 422 et 423, n° 329 et 330.
  2. Saïd-bey-Djumblat n’a pas été exécuté : par transaction, il est mort dans sa prison à Beyrouth.
  3. Les quatre signataires sont M. Béclard, commissaire français, lord Dufferin, commissaire anglais, M. de Rehfues, commissaire prussien, M. Novikov, commissaire russe.
  4. Documens anglais, p. 450, n° 351.