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le plan d’indemnisation indiqué par la commission était aussi expédient que modéré, et qu’il correspondait à ce que le gouvernement ottoman doit faire en faveur d’une population sujette du sultan, et que la protection de son souverain n’a pas empêchée d’être chassée de ses foyers, soumise aux plus horribles traitemens, et réduite en masse à la plus extrême misère. » M. le commissaire russe déclare « n’avoir presque rien à ajouter à toutes les idées justes qui viennent d’être exprimées par ses collègues. » Il renouvelle pour son compte la réserve faite par M. Béclard et d’après laquelle les chrétiens d’aucune localité ne doivent contribuer à la création des ressources nécessaires au paiement de l’indemnité. Il a soin aussi de mettre à part les dédommagemens et réparations que doivent obtenir les établissemens religieux indigènes, les consulats et les nationalités[1].

On voit que la commission n’a pas manqué, par ses réclamations au moins, à la mission qu’elle devait remplir. Elle était chargée de poursuivre la réparation des désastres qui avaient frappé les populations chrétiennes de la Syrie ; elle l’a demandée avec énergie et avec persévérance: que pouvait-elle faire de plus? Le pouvoir lui manquait. Nous dirons tout à l’heure pourquoi le pouvoir lui manquait; mais je veux dès ce moment faire voir comment, dans cette séance du 5 mars 1861, la commission internationale sentait son impuissance : j’en trouve la preuve dans les paroles du commissaire français, M. Béclard, et du commissaire russe, M. Novikov. Ces deux membres comprennent que la commission désormais est sans autorité, que la volonté de la Porte-Ottomane et de Fuad-Pacha prévaut partout, soit en ce qui concerne la punition et la répression des coupables, soit en ce qui concerne l’indemnité due aux victimes. Aussi, ne s’occupant plus du passé que pour s’en plaindre énergiquement, ils songent à l’avenir, et tâchent de le préserver des chances de la mauvaise volonté turque. M. Béclard, mettant pour ainsi dire le doigt sur la plaie, déclare que ce sont les musulmans seuls qui doivent payer l’impôt de l’indemnité. Il voit bien que la Porte-Ottomane, en prenant l’indemnité pour le compte du trésor public, en fait une charge de l’état, une charge que supporteront tous les contribuables, les chrétiens comme les musulmans, et les chrétiens plus que les musulmans, puisqu’ils supportent partout le plus lourd fardeau des impôts. De cette manière, les chrétiens de Syrie seront imposés pour les maux même qu’ils ont soufferts, et les indemnitaires paieront l’indemnité qu’ils recevront. Telle est la combinaison que dénonce M. Béclard. Cette dénonciation empêchera-t-elle la combinaison d’être exécutée? Je crains fort que la Porte-Ottomane ne soit ici dis-

  1. Documens anglais, p. 512 et 513, n° 377.