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prorata de leurs pertes, était le meilleur qu’on pût adopter; mais si la Porte est tombée d’accord avec la commission sur le principe, elle s’en éloigne dans l’application. Au lieu de 150 millions de piastres que la commission proposait de répartir entre les chrétiens, la Porte serait d’avis, eu égard aux ressources dont elle croit pouvoir disposer, de s’en tenir au chiffre de 75 millions de piastres, dont le gouvernement du sultan se constituerait le débiteur vis-à-vis des chrétiens, et qu’il leur paierait en six à-comptes semestriels, c’est-à-dire dans le laps de trois années. Dans le plan arrêté à Constantinople, une imposition sur Damas et sur les environs serait le moyen employé pour faire face aux intérêts et à l’amortissement des sommes que le gouvernement avancera[1]. » Cette décision émut beaucoup la commission. Elle changeait entièrement l’état des choses au préjudice des chrétiens. Non-seulement leur dédommagement était réduit de moitié, mais au lieu d’être des indemnitaires payables sur un impôt pénal et local, et par conséquent pouvant être payés promptement, ils devenaient les créanciers du gouvernement ottoman, ce qui n’est pas la meilleure condition du monde, et payables en trois ans, s’ils sont payés, ayant pour garantie le trésor public, au lieu d’avoir pour gage une taxe perçue dans la province et sous leurs yeux. Les commissaires européens se plaignirent à l’envi de cette décision. « Si l’arrêté de la Porte, dit le commissaire autrichien, est définitif, toute discussion semble inutile. Si ce n’est qu’un projet, je dois dire que dans ma pensée le chiffre de 75 millions de piastres est insuffisant... — 150 millions de piastres, dit le commissaire français, M. Béclard, étaient dans la pensée de la commission un minimum indispensable, et le terme de huit mois pendant lesquels la population musulmane de Damas et des environs devait payer la portion de l’intérêt mise à sa charge était un délai suffisant pour les musulmans et déjà très long pour les chrétiens... Mais quelle que soit la combinaison définitivement adoptée, il y a un point sur lequel je dois faire aujourd’hui les réserves les plus formelles, c’est qu’en aucune partie de l’empire les populations chrétiennes ne seront ni directement ni indirectement tenues de concourir au paiement de l’impôt d’indemnité. Il est bien entendu en effet que les musulmans seuls doivent être soumis aux conséquences de la mesure financière, quelle qu’elle soit, qui sera ultérieurement adoptée... » Lord Dufferin déclare que « 150 millions de piastres d’indemnité étaient le résultat du calcul le plus modéré auquel on pût se livrer sur les pertes subies par les chrétiens de Damas... » Le commissaire prussien, M. de Rehfues, ne cesse pas de croire « que

  1. Documens anglais, p. 511, n° 377.