Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/745

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lui a fait du tort en France, elle nuit à son influence en Angleterre; c’est parce que nous voudrions que sa parole, généreusement employée au service des idées pacifiques, eût toute l’influence qu’elle mérite, que nous voyons avec regret M. Cobden en restreindre lui-même l’efficacité par son scepticisme politique.

Les remaniemens ministériels causés par l’entrée de lord John Russell à la chambre des lords et par la retraite de lord Woodhouse et de lord Herbert n’indiquent malheureusement point que les idées systématiques de MM. Cobden et Bright soient en progrès dans l’administration britannique. Deux places étaient devenues vacantes dans cette administration, celles de secrétaire du gouvernement de l’Irlande et de sous-secrétaire des affaires étrangères. Lord Palmerston a choisi pour les remplir deux hommes de talent sans doute, sir Robert Peel et M. Layard, mais qui ne sont assurément point des sectaires de l’école de Manchester. Ils faisaient plutôt partie du groupe ombrageux dont M. Kinglake est l’organe le plus accentué, et dans les dernières discussions étrangères il s’en faut que la politique du cabinet des Tuileries ait reçu d’eux un traitement amical. Sir Robert Peel et M. Layard ne sont point appelés à remplir des postes d’une grande importance, mais leur nomination ajoute quelque chose à l’attitude un peu hargneuse du cabinet anglais à notre égard. La retraite de lord Herbert a été vue avec regret en Angleterre. Lord Herbert, autrefois M. Sidney Herbert, avait été un des élèves les plus distingués de l’ancien sir Robert Peel. Malgré la grande position qu’il tenait de sa naissance et de sa fortune, il s’était livré aux travaux de la chambre des communes et des fonctions ministérielles avec l’application laborieuse d’un homme qui aurait eu besoin de chercher dans les affaires publiques une carrière rémunératrice. C’était un orateur vigoureux, un administrateur éminent. L’état précaire de sa santé l’avait décidé, il y a un an, à quitter la chambre des communes pour la chambre des lords, et l’oblige aujourd’hui à se démettre du ministère de la guerre. Il est remplacé dans ce ministère par un des hommes les plus capables du cabinet, sir George Cornewall Lewis, car c’est maintenant la mode en Angleterre de considérer le département de la guerre, qui n’était, il y a peu d’années, qu’une insignifiante sinécure, comme un des postes les plus importans de l’administration. Sir George Lewis, connu par des ouvrages de philosophie politique et d’érudition historique, autrefois editor de la Revue d’Edimbourg, est une de ces aptitudes qui peuvent s’appliquer à tout. Il a été chancelier de l’échiquier, il était ministre de l’intérieur. Depuis quelque temps déjà, on le désignait comme devant remplacer lord John Russell à la tête du parti whig dans la chambre des communes.

Mais l’événement le plus important dans ces changemens ministériels, c’est la promotion de lord John, désormais comte Russell, à la chambre des lords. Lord John était depuis quarante-sept ans dans la chambre des communes. M. Disraeli a écrit de l’ancien sir Robert Peel qu’il a été de nos