Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/749

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’état du royaume de Naples est un triste revers à cette brillante page, et présente un déplorable contraste avec la bonne tenue des populations du nord de la péninsule ; mais ce ne sont point les Italiens du nord qui sont responsables de la démoralisation des populations napolitaines : l’anarchie des provinces méridionales accuse le précédent régime, le funeste et honteux gouvernement du roi Ferdinand. D’ailleurs le foyer qui entretient le désordre dans le royaume de Naples est manifestement à Rome. Cette malfaisante influence de toutes les hostilités concentrées et réunies dans Rome n’accroît pas seulement les difficultés du gouvernement italien, elle devient pour la France, dont la responsabilité est engagée par la protection dont elle couvre Rome, un sérieux embarras. Le gouvernement français a sans doute à considérer s’il lui convient que l’on se serve de l’abri qu’il prête pour exciter et perpétuer l’anarchie au sud de la péninsule. Pour notre compte cependant et dans l’intérêt, croyons-nous, de l’Italie indépendante et libérale, nous ne sommes point disposés à presser le gouvernement français de prendre à Rome des mesures énergiques. La dignité de l’Italie lui conseille de se passer de secours étranger et de ne point solliciter la sortie de Rome de l’ancienne cour napolitaine. Que les Italiens ne cherchent donc point à résoudre la question de Naples par la question romaine! Qu’ils se vouent avec leurs seules forces à la pacification de Naples! Cette tâche une fois accomplie, leur voix aura en Europe une plus grande autorité morale, et ils pourront aborder avec plus de chances de succès la difficulté romaine. La plus sage et la plus noble politique pour l’Italie, au lieu de solliciter un acte d’influence de la France à Rome, est de s’ouvrir par ses propres ressources dans la solution de la question napolitaine un acheminement décisif au dénoûment de la question romaine.

L’Italie a encore de trop grands soucis patriotiques, elle a des affaires trop graves à mener à fin pour que les questions de personnes que soulèvent les projets de combinaisons ministérielles doivent trouver place dans ses préoccupations. Il nous répugnerait donc de servir d’écho aux commérages, devenus plus persistans dans ces derniers jours, qui ont pour objet des changemens possibles dans le personnel du cabinet de Turin. Loin de croire que des mutations de personnes puissent être réclamées par des motifs vraiment politiques, il nous avait semblé que le ministère était sorti de la session plus fort au point de vue parlementaire qu’il n’avait été même avant la déplorable mort de M. de Cavour. Deux ministres surtout avaient honoré le cabinet par leurs travaux, M. Peruzzi et M. Bastogi. M. Peruzzi a eu à coordonner et à créer pour ainsi dire le réseau des chemins de fer italiens; il a imprimé aux grands travaux publics qui doivent renouveler l’Italie une puissante impulsion, et il a révélé au parlement, dans les discussions d’affaires, un remarquable talent de parole. Nous avons parlé des services rendus par M. Bastogi. Nous ne comprenons donc pas pourquoi l’on place ces deux ministres parmi ceux dont on s’obstine à prédire la retraite prochaine.