Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/750

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Les affaires d’Autriche et de Hongrie ont fait sans doute un grand pas, et malheureusement hors des voies de conciliation où l’on se plaisait à espérer que la lutte serait contenue jusqu’à ce qu’elle s’épuisât par la lassitude de tous. L’empereur d’Autriche n’a pas voulu faire une seule étape sur le terrain où l’appelait l’adresse de M. Deak. Il n’admet pas la discussion sur la subtilité du lien personnel. Tout en maintenant les concessions de la patente d’octobre, il revendique, dans les termes du rescrit de février, l’unité de l’empire. Que répondra la diète hongroise au dernier rescrit impérial? Quelles mesures la cour de Vienne prendra-t-elle contre une nouvelle résistance de la diète? Voilà les perplexités que fait naître la phase nouvelle de ce conflit. Il n’est guère probable que les Magyars acquiescent aux prétentions de l’Autriche. Ils ont peu de goût à s’engager dans les distinctions du lien personnel et du lien réel qu’a inventées la métaphysique allemande. Ils présentent leurs réclamations sous une forme plus pratique. La Hongrie, disent-ils, est unie à la maison d’Autriche par une série de traités qui établissent un contrat bi-latéral. Les obligations de la Hongrie vis-à-vis de ses souverains sont balancées par les obligations contractées par ses souverains envers elle. A ce contrat bi-latéral l’Autriche propose la substitution d’une constitution octroyée. La Hongrie ne veut point passer du régime de la royauté consentie au régime de la liberté octroyée. Si elle ne peut pas user de ses droits, elle protestera, elle ne les laissera pas périmer, elle ne les abdiquera point. Ni de la part de la Hongrie ni de la part de l’Autriche, on ne semble d’ailleurs impatient de vider la querelle par la force. On épuisera donc des deux côtés les moyens moraux. Peut-être l’Autriche obtiendrait-elle aisément raison sur le fond des choses, si elle se montrait plus coulante sur la forme. Pourquoi ne se prêterait-elle pas à rajeunir ce qu’il y a à réformer dans l’ancienne constitution hongroise en concédant aux Magyars un nouveau pacte, qui aurait, comme les anciens, le caractère d’un contrat bi-latéral ?

C’est un des malheurs de la destinée humaine que les funestes effets que peuvent produire les doctrines politiques les plus honnêtes et les plus pures lorsqu’elles sont saisies à faux par des esprits infirmes et des imaginations malades. L’assassinat politique, comme autrefois l’assassinat religieux, est le produit de cette fermentation malsaine du fanatisme. L’attentat heureusement avorté d’Oscar Becker sur la personne du roi de Prusse prouve que l’aspiration unitaire a pu, même en Allemagne, produire dans une tête mal faite une exaltation capable d’aller jusqu’au crime. Il serait injuste et absurde de faire remonter au parti de Gotha et du National Verein la responsabilité de cet égarement. La cause de l’unité aura pourtant à souffrir passagèrement du crime solitaire de Becker. Ces déplorables accidens provoquent chez ceux qui en sont menacés et dans le public d’inévitables réactions. L’indignation de l’Allemagne contre l’attentat a trouvé au sein de la diète, comme on devait s’y attendre, une manifestation unanime. Le ministre d’Autriche, qui préside cette assemblée, s’est fait l’organe de la sympathie