Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/765

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t-elle par trop de modestie ; peut-être ne sait-elle pas assez qu’on est tout prêt à l’étranger à suivre son développement et à le seconder. Qu’elle étende son cercle d’action des trois royaumes au reste de l’Europe. Qu’elle songe, non pas seulement aux sympathies de famille, mais, hors de ce cercle un peu resserré, aux amis éloignés et inconnus. Pourquoi ne réserverait-elle pas, en vue de ceux-ci, une partie de ses efforts et quelques feuilles de chacune de ses livraisons? Pourquoi peu à peu ne donnerait-elle pas une étude raisonnée des institutions politiques, de l’organisation administrative et judiciaire de chacun des trois royaumes? Pourquoi la critique occupe-t-elle toute la place réservée à la pure littérature, sauf quelques rares pages de poésie? Le Danemark en particulier ne manque pas d’habiles conteurs, dont les récits, après un choix sévère, jetteraient ici le charme d’une agréable variété. A toutes ces demandes, les éditeurs objecteront peut-être que les moyens matériels ne leur sont pas aussi facilement acquis que les bons conseils. Il est certain aussi qu’ils ont fait déjà beaucoup, et que leurs efforts, même en tenant compte de ce qu’il reste à faire, méritent encore nos félicitations.

En passant aux autres publications périodiques que nous recommandent dans le Nord scandinave leur intérêt et leur notoriété, nous rencontrons des revues, si on peut les appeler de ce nom, rédigées et publiées par un seul homme. Voilà ce que l’esprit français n’admet pas aisément. Il demande, avec une forte unité de vues, plus de variété de ton et de manière que n’en peut donner un seul esprit, quelque heureusement doué qu’il soit, et quelques titres qu’il ait acquis à l’estime, à la sympathie ou à la curiosité des lecteurs. Les brochures mensuelles que publie M. Crusenstolpe en Suède depuis 1838 sous le titre de Ställningar och Förhallanden (Situation et Circonstances) n’ont absolument pour objet que de rendre compte de l’histoire de chaque mois, principalement de ce qui intéresse, à l’intérieur ou au dehors, la Suède et les pays scandinaves; elles ne s’interdisent pas la politique générale, et souvent l’auteur, homme d’esprit, très familiarisé avec l’histoire contemporaine, possesseur d’une curieuse collection de lettres et de papiers politiques, a commenté d’une façon intéressante et inattendue certains épisodes tout européens.

M. P. A. Munch, professeur à l’université de Christiania, publie depuis 1855 sa Revue mensuelle norvégienne (Norskt Maanedsskrift). Son programme dit assez les difficultés que rencontre un pareil recueil avec un seul rédacteur. Pour venir au secours de sa verve, fort abondante, mais non pas inépuisable, l’auteur ne sait invoquer que les traductions signées de lui et sans doute revues par lui. De là un même style à travers toute la publication, qui, sans devenir un livre, cesse d’offrir la variété qu’on demande à un recueil de ce genre. Cela n’empêche pas que le recueil de M. Munch n’ait donné quelques études politiques d’un incontestable intérêt. M. Munch est un des savans les plus distingués du Nord et, on peut l’ajouter, de l’Europe entière. Nous espérons faire connaître quelque jour ses nombreux travaux, et nous aurons alors occasion de lui rendre toute justice. Après avoir rendu de grands services à la science Scandinave par la publication de textes peu connus en langue norrène, il a abordé l’histoire générale de sa patrie, et,