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vrais intérêts du catholicisme en donnant la réplique aux faits par ces éloquentes, mais impuissantes protestations, pensent-ils qu’ils n’eussent pas mieux agi, si, plus alertes, ils eussent devancé les événemens pour les regarder en face, en saisir le caractère, en déterminer les conséquences ? Ce n’est en effet qu’à cette condition que l’on peut avoir quelque influence sur la direction des affaires humaines. Le moment est venu de renoncer, pour la question romaine, à une aveugle et stérile tactique qui consiste à attendre que le fait soit accompli pour le maudire en le subissant. La continuation de l’occupation de Rome par nos troupes laisse encore un court intervalle à l’emploi des moyens moraux par lesquels peut se préparer la solution équitable de la question. C’est ce répit que, pour notre compte, nous allons essayer de mettre à profit. Nous le ferons en nous aidant des idées qu’a bien voulu nous communiquer un Romain des plus distingués, qui a longtemps réfléchi sur ces graves matières. Notre correspondant a eu l’honneur de faire partager ses opinions à M. de Cavour ; il les a même essayées sur l’esprit des membres les plus éclairés et les plus pieux de la cour de Rome, et il voudrait qu’elles fussent exposées en France, où tant de choses ont été dites sur la question romaine, « une question, nous écrit-il, qui, après tout, me concerne un peu plus que ceux qui s’en sont occupés chez vous. »

Les Romains sont à coup sur plus intéressés que nous à la solution de la question romaine ; cette solution est pourtant entre les mains de la France. En attribuant à la France une si grande influence sur le maintien ou la cessation du pouvoir temporel de la papauté, nous n’entendons point faire allusion à la forme matérielle et brutale de cette influence, à celle qui s’exerce par la présence de notre drapeau à Rome, ou qui pourrait se manifester par la retraite de nos troupes, à celle en un mot qui dépend des résolutions du gouvernement français. Nous voulons parler uniquement de notre influence morale. C’est dans l’opinion publique de la France, nous irons plus loin, c’est dans l’opinion des catholiques français qu’il importe que la question du pouvoir temporel de la papauté soit résolue. L’opinion des catholiques français a certainement été sans efficacité pour prévenir ou arrêter le mouvement national italien, qui n’a plus aujourd’hui à réclamer que la sécularisation de Rome ; mais cette opinion a jusqu’à présent pesé d’un grand poids dans les conseils de la cour romaine. Elle a encouragé le gouvernement pontifical dans sa funeste politique de résistance, elle n’a que trop malheureusement contribué à le détourner de toute pensée de transaction avec le gouvernement nouveau de l’Italie. C’est à cette opinion que nous voulons loyalement nous adresser.