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LA QUESTION ROMAINE.

formes de l’église et a introduit dans sa constitution des modifications dont la sanction du temps n’a point toujours justifié la valeur. Là où il a été innové dans le cours des siècles, est-il interdit d’innover encore ? S’il est démontré que les nécessités du gouvernement temporel ont altéré défavorablement l’économie du gouvernement spirituel, n’est-il point permis de rechercher ce que le spirituel pourrait gagner à être affranchi des nécessités du temporel ? Voilà la question dans sa vérité et dans sa grandeur ; c’est en ces termes que, dans leur sollicitude pour les intérêts permanens de leur foi, les catholiques éclairés doivent commencer dès à présent à l’envisager. L’église n’a pas le droit de compter sur des miracles dans l’ordre de ses conditions temporelles, accidentelles, changeantes, qui est régi par les lois générales de l’humanité et de l’histoire. En acceptant les changemens que ces lois lui imposent, les épreuves peuvent devenir pour elle des crises salutaires de régénération et de rajeunissement ; voilà le seul miracle auquel elle doive aspirer. »

C’est ce que, pour notre compte, nous croyons pouvoir démontrer en examinant rapidement la condition générale de la hiérarchie romaine dans les pays catholiques, les changemens que la possession du temporel a introduits et dans cette hiérarchie et dans l’économie du pouvoir spirituel, la situation faite aujourd’hui à la papauté par l’association du temporel au spirituel, enfin la solution qui répond le mieux à la fois aux intérêts du catholicisme et à l’esprit des sociétés modernes.

II.

Un caractère extérieur a plus fortement distingué l’église romaine des religions de l’antiquité et des autres églises chrétiennes. Dans celles-ci, le sacerdoce a été ou est toujours national ; de là les relations intimes qui l’unissent ordinairement au gouvernement qui représente le pays. Là le sacerdoce ressent les mêmes influences que la nation, a les mêmes besoins, obéit aux mêmes instincts, suit les mêmes inspirations. Telle était la condition des sacerdoces antiques ; telle est celle de la plupart des églises chrétiennes, de l’église orientale, des églises protestantes. La condition même des clergés de ces églises les empêche de s’éloigner jamais beaucoup des voies dans lesquelles marche la nation à laquelle ils appartiennent.

Telle n’est point la situation du clergé catholique romain. Ce clergé, répandu sur différens pays, dominant religieusement diverses nations qui ne sont même pas toutes de race latine, se reconnaît à ce trait, qu’il forme un seul corps, ayant partout, malgré la diversité des contrées, mêmes principes, mêmes doctrines, mêmes