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çais. Nous ne nous posons point en apologiste de tous les procédés qui ont été employés dans la question italienne ; nous abandonnons les hommes aux rancunes, aux ressentimens, à la colère même, si l’on veut, des catholiques. La hauteur des intérêts principaux engagés dans ce problème nous permet de faire bon marché des points secondaires. Mais, après leur avoir fait toutes ces concessions, nous pensons avoir le droit de rappeler les catholiques eux-mêmes à la considération de ces intérêts primordiaux au nom desquels ils prétendent agir. Les tenant pour sincères, nous nous croyons autorisé à leur dire : « Prenez garde de sacrifier dans votre cause le principal à l’accessoire. Certains acteurs dans les récens événemens d’Italie ont manqué, dites-vous, aux paroles qu’ils vous avaient données, ont trompé la confiance que vous aviez placée en eux : dénoncez leur duplicité, retirez-leur votre confiance, soit ; mais, dans une question où il va des plus vitaux intérêts de votre foi, n’allez pas jusqu’à vous laisser distraire du fond des choses par la diversion des questions personnelles. De mauvais moyens, à votre gré, ont été mis en usage : condamnez-les ; mais n’allez pas vous laisser offusquer sur le caractère peut-être providentiel des résultats par le vice des procédés, vous surtout dont les théologiens sont si ingénieux à expliquer par quel art mystérieux et sûr Dieu sait faire servir le mal à la production du bien. Revenez à la grande et véritable question, à celle qui vous est posée par des événemens pressans, par une nécessité irrésistible ; appliquez-vous à l’examen des conditions essentielles de l’indépendance du pouvoir spirituel. La souveraineté temporelle était à vos yeux une des garanties de cette indépendance ; la suppression de cette souveraineté vous choque comme une innovation dangereuse. Nous ne disons point que votre opinion ait été jusqu’à ce jour déraisonnable, et nous comprenons la défiance et la répugnance que les innovations vous inspirent ; mais la nécessité parle, la puissance temporelle est déjà démembrée : ce qu’il en reste ne peut plus satisfaire votre théorie et ne saurait durer qu’en prolongeant, pour une nation en révolution, pour l’Europe, pour le catholicisme lui-même, une situation pleine de périls et de maux. Pour relever la papauté temporelle, n’est-il pas dès à présent visible qu’il faudrait un miracle ? Est-ce un miracle que vous attendez ? Vous professez que l’église, incorruptible dans sa doctrine, s’est toujours prêtée avec une souplesse merveilleuse dans ses élémens variables aux nécessités diverses des temps et des lieux. Le pouvoir temporel a été précisément un des appendices variables de l’église, puisqu’il n’a point toujours existé et qu’il a éprouvé dans le cours de son existence des modifications nombreuses. Il y a plus : le pouvoir temporel, avec ses accidens, a réagi à son tour sur les